Pour ouvrir ce congrès 2015, au nom du mouvement d’Éducation active qui se réfère aux démarches inspirées par ce que nous appelons l’Éducation nouvelle, je veux d’abord remercier toutes celles et ceux qui sont venus y contribuer.
Nous sommes autour de 800 participants, dont 80 militantes et militants des associations ultramarines des Ceméa, je salue leur présence en si grand nombre, d’autant que nous savons les efforts d’organisation personnelle et collective que nos amis ont dû réaliser pour rendre possible leurs déplacements depuis les lointains. Nous comptons avec nous 40 à 50 membres des associations partenaires d’autres pays du monde. Nous sommes heureux de la présence de toutes et tous, d’autant que ce Congrès est placé sous les auspices d’un appel à Penser et à Agir pour l’avenir que nous avons à préparer.
Et, tout d’abord qu’est-ce que penser ? Qu’est-ce qu’agir ? Nous aurons à mettre au travail ces questions.
Penser ne consiste pas à se référer à la pensée des autres, sinon à se réfugier derrière elle, même si s’inscrire dans des filiations est un passage obligé. N’oublions pas d’où nous venons, que nous sommes nés après d’autres qui ont vécu avant nous.
Dire ici que nous voulons penser veut dire que nous avons l’ambition d’échapper aux entraves à la pensée de notre époque ainsi que de celles dont on a hérité de nos ascendants, tout en reconnaissant, ce qu’on leur doit.
Penser veut dire établir de nouveaux liens entre des bribes de représentations du monde et les élaborer pour aboutir à une nouvelle représentation plus étendue, prenant en compte plus d’éléments de réalité afin de déboucher sur une compréhension nouvelle du monde et qui, en principe, augmente nos possibilités d’intervenir utilement sur celui-ci. Nous ne pouvons nous contenter de constater ce qui est, encore faut-il s’équiper culturellement pour voir ce qui est. C’est une première étape. N’y restons pas sidérés et dans l’impuissance.
Penser, c’est d’abord se construire des représentations toujours plus complexes du monde.
Encore faut-il disposer des espaces spécifiques pour déclencher de nouveaux mouvements dans nos pensées, ce qui veut dire accéder à une capacité de remettre en questionnement les raisons pour lesquelles nous pensons ce que nous pensons, qui consistent, bien souvent, à notre insu, à ne savoir voir que midi à sa porte, et à ne percevoir qu’une porte, d’entrée ou de sortie, ou qu’un passage d’un espace à un autre.
Être formateur, éducateur, intervenant dans un espace ou un autre du champ social avec une volonté et une ambition que, dans nos milieux, nous appelons, émancipatrices, nécessite de penser quelles sont les formes sociales d’organisation de rapports de transmission entre les générations qui permettent à chacune des personnes que nous accueillons dans nos espaces de formation, d’éducation ou d’intervention sociale, qui rendent possible l’accès à la parole de nos interlocuteurs, à une parole qui se libère de ses peurs, de ses œillères, des carcans dans lesquels on a grandi et qu’on ne ressent pas comme carcan mais comme étayage nécessaire.
Ce congrès est voué à développer entre nous des espaces d’échanges, avec différentes portes d’entrée, différentes médiations qui vont nous mettre en déséquilibre, mais pas trop, afin que nous puissions reconnaître en nous, en tant que personne individuelle, et en nous, en tant que collectif, quelles sont nos propres limitations c’est-à-dire aveuglements.
Et l’Agir dans tout ça ? La pensée, précède-t-elle l’action ou l’action précède-t-elle la pensée ?
Pour différentes raisons, que je ne développerai pas ici, de ma position d’observateur des ensembles sociaux, j’ai constaté que nombre d’actions, ou d’agirs que l’on observe dans la vie courante des institutions, sont plus souvent des passages à l’acte, que des actions bien réfléchies.
Si c’est inévitable, étant donné la rudesse de certaines situations, il nous revient d’y penser après-coup pour comprendre les processus dont nous n’avons pas su nous extraire.
Penser et Agir l’Avenir ? Quelle ambition !
Or, nous le savons, l’histoire de ce qui n’est pas encore advenu, celle de l’à-venir ne peut se penser et ne s’écrire qu’après-coup. Mais cela ne dispense pas de la nécessité d’y penser quand même, tout en n’ignorant pas que le réel nous échappe et que nos dispositifs de formation ne provoquent jamais tout à fait ce que l’on croit.
Penser et agir sont des activités qui doivent donc nous occuper de façon alternative.
À cette fin, il nous faut prendre régulièrement le temps d’une analyse après-coup des actions que nous réalisons, que nous avons mises en œuvre pour découvrir ce que nous avons vraiment effectué, autant qu’on puisse le savoir.
Je voudrais rappeler maintenant qu’on ne pense pas indépendamment des autres et sans être traversé par divers mouvements émotionnels. La vie intellectuelle et la vie affective ne sont pas séparées dans notre vie psychique. On peut/ne peut se mettre à penser que si l’on est en contact avec soi-même, avec les mouvements émotionnels qui nous envahissent peu ou prou et qui nous donnent des renseignements sur nous et notre rapport aux situations. On peut/ne peut se mettre à penser que si l’on est en contact avec soi-même, c’est-à-dire aussi avec ce qui se love dans les replis de notre appareil psychique qui est notre appareil à penser. On ne peut se mettre à penser que dans des environnements propices, dont les méthodes de travail sont pensées en fonction de la distribution des places qui sont attribuées à chacun, qui nous disposent, nous positionnent, les uns par rapports aux autres.
C’est pourquoi, parfois, on peut être à la recherche d’une démarche dans laquelle toute personne, que nous accueillons puisse, d’emblée, se sentir bien. Ici ou là, on appelle ça une bonne pratique. L’idée d’une bonne pratique est une chimère. Ce qui provoque un sentiment de sécurité suffisant chez les uns, provoque de l’insécurité chez d’autres du fait de ce que l’on peut ressentir en présence des autres.
Cette démarche qui serait bonne pour tous n’existe pas. C’est pourquoi, pour permettre à chacun d’entrer dans un espace de formation, il faut instaurer des temps pour dire ce que l’on ressent et pour écouter ce que les autres ressentent dans une situation. Dire et écouter permet de dépasser bien des épreuves d’insécurité en présence des autres et de s’autoriser à être ce que nous sommes.
Nous avons chacun une façon de colorier le monde, de le comprendre, de le théoriser. Être invité à expliciter ce que l’on ressent et à écouter ce que les autres ressentent, émotionnellement, dans leur corps et dans leurs affects, est le premier pas vers la pensée, du moins vers une pensée qui, par paliers successifs, conduit à l’intégration de la multiplicité et de la complexité. C’est lorsque nous acceptons une sorte de va-et-vient entre l’émotionnel, l’agir, l’explicitation de nos théories implicites ou déjà un peu explicitées, que nous nous mettons en mouvement de pensée, et accédons à une extension des nos capacités de penser et de nos pensées. Bien sûr, penser passe par des échanges avec les autres.
Penser n’est pas une activité cérébrale, contrairement à ce que l’on dit parfois, agir non plus. En réalité, bien des mouvements de la pensée ou de nos actions sont essentiellement guidés par des motifs latents que nous ignorons, dont la pensée, au sens d’un effort de distanciation et d’objectivation.
Cet appel à penser, à agir et donc à reconnaître ce qui sous-tend nos pensées et nos actions, et qui souvent nous échappe, contient aussi un appel à apprendre à parler, et à dire ce que nous avons à dire dans le lieu où l’on est, ici et maintenant, en se libérant de nos autres lieux d’existences, et d’engagement et de fermeture.
Les actes d’éducation et de formation passent par des activités engagées en commun, ils passent aussi par des actes de paroles, nous ne savons pas toujours être et parler dans l’ici et maintenant aux personnes réelles avec lesquelles nous nous trouvons.
C’est ainsi que nous serons plus consistants, plus solides et en même temps moins rigides et plus malléables et que nous serons capables de concevoir des dispositifs de travail où les autres puissent éprouver qu’ils sont attendus et en condition de pouvoir être et dire qui ils sont.
Si je me réfère au séminaire international ou au regroupement outremer qui viennent d’avoir lieu juste avant ce Congrès, j’ai compris que nous en sommes capables, et je nous souhaite un bel engagement pendant les journées de ce Congrès qui vont nous donner l’occasion d’élargir nos espaces de pensées.
Seul, le territoire de la pensée peut prendre de l’extension en chacune et chacun d’entre nous. Cette extension de nos espaces individuels et collectifs de travail de pensées est d’autant plus importante à créer, que nous déployons nos actions sur des territoires géographiques qui, eux, n’augmentent pas, n’ont jamais augmenté, sauf pour les uns aux dépens des autres.
C’est animé d’une grande disponibilité intérieure et un grand et fort enthousiasme, qu’en tant que personne et en tant que président, je suis venu participer avec vous, à vos côtés à cette belle manifestation des Ceméa.
Je veux exprimer nos remerciements en pensant aux personnalités des collectivités territoriales, élus et représentants des administrations qui nous ont fait l’amitié de leur présence.
Je veux remercier aussi, la CASDEN, la MAIF et Référence DSI pour le soutien financier que ces organismes ont apporté à l’organisation de notre congrès.
Maintenant, je vais passer la parole à
Laurent PARIS, président de l’AT Rhône-Alpes des CEMÉA ; d’autres que moi diront combien nous sommes reconnaissants aux militants de l’association des CEMÉA Rhône-Alpes ont donné et donnent tous ces jours pour que nous nous sentions bien ici.
Puis à Madame Elisa MARTIN, 1ère adjointe représentant Monsieur le Maire de Grenoble.
Puis, à Monsieur Philippe REYNAUD, Conseiller Régional, représentant Monsieur le Président du Conseil Régional Rhône-Alpes
Puis, Monsieur Christophe FERRARI, Président d’Alpes-Métropole.
Enfin à Monsieur Alain PARODI (5mn) Directeur régional de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) qui introduira la vidéo de Monsieur Patrick KANNER, Ministre de la Jeunesse et des Sports s’adressant aux congressistes
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