10 ans après « les temps libérés », quels devenirs pour les loisirs collectifs ? – Isabelle Monforte – Ovlej

Congrès des CEMEA – Grenoble 20 août 2015

 

10 ans après « les temps libérés », quels devenirs pour les loisirs collectifs ?

Isabelle Monforte – Ovlej

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L’Ovlej (Observatoire des Vacances et des Loisirs des enfants et des jeunes) est une association constituée de la Jeunesse au Plein Air (JPA) et de l’Union Nationale des Associations de Tourisme et de plein air (Unat). Depuis sa création en 1999, l’Ovlej conduit des études sur le champ des vacances et des loisirs collectifs, avec ses membres et en partenariat avec des acteurs du secteur.

 

Avant d’échanger sur les devenirs des loisirs collectifs, je vous propose de partager quelques-uns des résultats majeurs d’études récentes sur le sujet, notamment celles conduites par l’Ovlej[1], pour mettre en évidence les enjeux actuels pour le secteur et dégager des perspectives.

Partons du contexte social, culturel et économique pour aller vers les attitudes et les pratiques des familles.

Réussir à partir en vacances

Jean Viard vous disait en 2004 « Dans notre pays on ne démocratise plus le départ en vacances depuis une trentaine d’années. Environ 30 % ne partent pas en vacances et nous ne savons plus faire progresser le taux de départ »[2]. Dans son dernier ouvrage il précise « si l’on accepte 10 à 15 % de non partants volontaires, cela donne une poche dure de 15 à 20 % d’exclus envers lesquels les anciennes politiques de démocratisation paraissent de peu d’effets ; sans doute parce que ces politiques ont été pensées pour éduquer au départ en vacances et qu’elles se heurtent ici à un noyau dur d’exclusion.» (Viard, 2015, p. 135)[3]. Mais notre société est pour lui globalement acculturée aux vacances.

Pour Jean Didier Urbain (2011)[4], la crise « agresse un modèle culturel », celui des vacances.

C’est ce que montrent les enquêtes sur le sujet. Aujourd’hui, en 2015, 35 % des plus de 15 ans ne sont pas partis pour un autre motif que professionnel selon le Suivi de la Demande Touristique (SDT) et 40 % des plus de 18 ans déclarent ne pas être partis en vacances,[5] selon le Crédoc. Après plus d’une décennie de baisse du taux de départ en vacances, celui-ci retrouve le niveau observé au début des années 2 000.

Non pas que la situation économique et les contraintes budgétaires des familles se soient allégées, les dépenses obligatoires pèsent de plus en plus sur les budgets. Mais selon le Crédoc et la Direction Générale des Entreprises (DGE, en charge du Tourisme) : « pour partir malgré leurs contraintes financières, les Français deviennent de plus en plus experts et tirent parti des différentes possibilités qui leur sont offertes» (Hoibian, Muller 2015)[6].

«Trois types de comportements ‘malins’ » remportent un succès grandissant (Hoibian, Muller 2015) : partir hors saison (10 points de plus qu’en 2008), réserver son voyage longtemps à l’avance (+11 points) et voyager avec des compagnies aériennes low cost (+12 points). Mais surtout, la majorité des séjours a lieu en hébergement non marchand, dans la famille ou chez des amis. En dix ans, selon l’enquête de Suivi de la Demande Touristique de la DGE, le nombre de nuitées dans les hébergements non marchands a augmenté de 10 % tandis que le nombre de nuitées dans les hébergements marchands a chuté dans la même proportion. Quelle que soit la durée des séjours, l’hébergement non marchand représente en 2014 plus de 66 % du nombre de nuitées pour les séjours en France et 59 % pour l’ensemble des destinations.

Les Français deviennent de plus en plus experts, ou dit autrement « se débrouillent » pour réussir à partir, car ils y tiennent.

«L’envie de voyage et de vacances persiste dans la tourmente et donc, ces plaisirs touristiques ou de séjours hors du quotidien ne sont plus tant perçus comme un luxe, une digression futile ou un supplément occasionnel mais bien conçus désormais comme un besoin, une parenthèse utile et un complément bénéfique de la vie » souligne l’anthropologue Jean-Didier Urbain dans son dernier ouvrage.

Cette envie est probablement d’autant plus forte que l’on assisterait depuis une décennie à une relative stabilisation du temps de loisirs, voire à un léger déclin de ce temps pour les actifs et particulièrement pour les plus diplômés. Nos sociétés occidentales seraient de plus en plus seraient de plus en plus polarisées « entre une catégorie de population ‘ idle subordonate ‘, dépendante, et une autre de plus en plus ‘occupée ‘ par son travail » (Pronovost 2014[7]). De plus, les temps de trajets augmentent, les horaires de travail sont devenus plus irréguliers, les semaines se sont allongés et les rythmes sont de plus en plus décalés (Sautory, Zilloniz 2015[8]).

Partir en vacances est effectivement vécu dans ce contexte une parenthèse nécessaire. Les enquêtes conduites chaque année par le Crédoc[9] sur ce sujet le montrent. Cette parenthèse permet de souffler et de porter un regard plus positif sur son cadre de vie au retour. Partir en vacances est également un marqueur social. On se sent d’autant mieux intégré à la société que l’on part en vacances et à l’inverse, ne pas pouvoir partir concourt au sentiment de « déclassement » des personnes concernées, plus fortement que ne pas posséder de voiture ou de téléphone mobile (Crédoc 2010, 2012).

On parvient donc à partir en vacances mais de plus en plus en hébergement non marchand, c’est-à-dire chez la famille, des amis, et ainsi pour des vacances de plus en plus souvent entre soi. Le départ dépend alors de ces relations et de ces ressources en termes d’hébergement, ressources inégalement partagées.

 

 

 

 

 

Qu’en est-il du taux de départ des enfants et des adolescents ?

On ne sait pas. Jusqu’en 2004, les enquêtes « vacances » conduites par l’Insee interrogeaient tous les 5 ans l’accès au départ de l’ensemble de la population, de tous âges. Depuis la disparition de ces enquêtes, il n’y a plus de statistiques publiques sur le taux de départ des enfants et des adolescents. Les enquêtes financées par la Direction en charge du tourisme (aujourd’hui DGE) portent uniquement sur les plus de 15 ans pour le Suivi de la Demande Touristiques et les plus de 18 ans pour celles conduites par le Crédoc.

Notre société ne s’intéresse pas ou ne s’intéresse plus au taux de départ des enfants et des adolescents. On considère qu’ils partent avec leurs parents ou ne partent pas, ils sont comptabilisés avec eux, parmi les partants ou les non partants. Le droit au départ des enfants ne représenterait plus un enjeu social, un enjeu politique.

Il serait plus juste de dire que les pouvoirs publics ne s’y intéressent plus. Mais cette question rencontre toujours un écho important auprès de certains de nos partenaires et au sein de la société civile, via les médias. L’enquête que nous avons conduite fin 2011 pour évaluer le taux de départ des mineurs a bénéficié d’un financement de la CNAF et rencontré un large écho dans les médias au moment de la publication des résultats en 2012. Cette enquête avait été conduite auprès d’un échantillon représentatif national de plus 2500 familles ayant au moins un enfant de 5 à 19 ans, échantillon construit pour être comparable à celui de la dernière enquête vacances de l’Insee de 2004 (Ovlej 2013)[10].

Que montraient les résultats ?

  • Le taux de départ des enfants et des jeunes est resté stable entre 2004 et 2011 alors que celui de l’ensemble de la population marquait une baisse pour la même période[11]. En 2004 comme en 2011, près de 75 % des 5 à 19 ans sont partis au moins une fois dans l’année pour quatre nuits ou plus consécutives. L’attachement aux vacances est encore plus marqué quand il s’agit de préserver le départ de ses enfants. Quand ce sont les enfants qui sont privés de vacances, il ne s’agit plus seulement d’une dégradation de l’image de son propre statut social mais de marginalisation. Pour trois Français sur quatre, rencontrer des difficultés à faire partir ses enfants en vacances au moins une fois par an est une caractéristique de la pauvreté (Ipsos 2012[12]). Pour les personnes concernées, c’est également leur capacité à assumer pleinement leur fonction parentale qui est en cause[13]. Face à ces enjeux individuels et sociaux, on renonce aux vacances des enfants quand il n’est plus possible d’économiser sur d’autres types de dépenses.

 

  • Les inégalités se sont renforcées. Les enfants des familles les moins aisées ont vu leur taux de départ en vacances se réduire. En dessous de 1 500 € de revenu mensuel, seul un enfant sur deux était parti en vacances en 2011, ils étaient 58 % en 2004.

 

  • Un quart des 5 à 19 ans sont toujours exclus du départ en vacances, soit près de trois millions d’enfants et d’adolescents chaque année, sur une population totale de 11 500 000 (au 1er janvier 2012 selon l’Insee). Pour ceux qui partent, le nombre de séjours a diminué et le nombre de journées passées hors du domicile sur l’année s’est réduit. Cette érosion des vacances s’étend aujourd’hui aux classes moyennes et supérieures, révélant ainsi les difficultés de catégories de plus en plus larges de la population à préserver les vacances de leurs enfants. Ces données confirment l’analyse de Jean-Didier Urbain : la crise « agresse un modèle culturel», celui des vacances.

 

  • Ces inégalités sont plus marquées pour les adolescents. En dessous de 1 500 € mensuels, 57 % des 17 à 19 ans étaient partis au moins une fois en vacances en 2004 et seulement    37 % en 2011. De manière générale le taux de départ chute après 17 ans : il passe de 77 % pour les adolescents âgés de 14 à 16 ans à 66 % pour les jeunes de 17 à 19 ans.

 

  • Ces inégalités concernent l’accès au départ mais également l’accès aux pratiques.
  • Les vacances en famille, avec les parents, se sont généralisées et démocratisés : 80 % des partants avaient bénéficié d’un séjour avec leurs parents en 2004 et 86 % en 2011, cette progression est plus marquée parmi les familles disposant d’un revenu inférieur à 2 000 € mensuels (+ 9 à + 15 points pour la même période). Mais le nombre de séjours s’étant réduit, les séjours en famille sont devenus le seul mode de vacances pour un nombre croissant d’enfants et d’adolescents : pour 53 % des partants en 2004 et 61 % en 2011. Cette évolution touche plus spécifiquement les classes moyennes[14], dont le revenu mensuel se situe entre 2 000 € et 3 000 €. Second constat, ce sont les pré adolescents et les adolescents qui partent de plus en plus exclusivement avec leurs parents. En 2011, c’est le seul mode de vacances pour les deux tiers des 11-13 ans partis au moins une fois dans l’année (55 % en 2004), pour 60 % des 14-16 ans et près de la moitié des plus de 17 ans (48 % et 39 % en 2004).
  • Les départs en autonomie sont également de plus en plus tardifs: en 2004, ils avaient concerné 30 % des partants âgés de 17 ans, 54 % à 18 ans et 60 % à 19 ans ; en 2011, ils étaient seulement 7 %, 21 % et 39 % au même âge à avoir expérimenté ce mode de séjour.

Partir sans les parents devient ainsi une expérience de plus en plus réservée aux plus aisés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La baisse du taux de départ en colonie est à resituer dans ce contexte et à relativiser

Entre 1981 et 2011, le taux de départ en vacances avec les grands parents s’est en effet réduit de moitié parmi les moins de 16 ans : il est passé de 37 % des partants selon les résultats d’une enquête conduite par l’Ined, à 19 % aujourd’hui. Le taux de départ en séjour collectif pour la même tranche d’âge s’est réduit de 16 % des partants à 10 % en 2011.

Pour la même année, mais sur la tranche d’âge des 5 à 19 ans, 7,5 % des enfants et adolescents sont partis en vacances collectives, colonies, camps ou séjours linguistiques pour 4 nuits au moins en 2011. On peut y ajouter 2,5 % de la population de la même tranche d’âge partis en mini-camps ou mini-séjours pour des durées plus courtes (1 à 4 jours). Au total, en 2011, le taux de départ en séjour collectif, y compris les mini-camps, atteint 10 % de la population de référence. Au milieu des années 80, ces séjours (de plus de 4 nuits) accueillaient chaque année plus de 13 % de la population âgée de 5 à 19 ans. La baisse de la fréquentation serait plus marquée cette année.

Autre résultat de notre enquête, l’accès au départ en colo est marqué par des inégalités économiques croissantes. Le taux de départ des enfants des familles les moins aisées, disposant d’un revenu mensuel inférieur à 1 000 € mensuels, a progressé grâce aux aides des CAF (graphique 1). Cette progression s’observe également entre 1 500 et 2 000 € par mois, mais le taux départ reste inférieur à la moyenne. A l’inverse, l’accès aux séjours collectifs des enfants des familles bénéficiant d’un revenu moyen (entre 2 000 et 3 000 € mensuels) a régressé entre 2004 et 2011. Leur niveau de revenu les place le plus souvent au-dessus des seuils d’aide des CAF. Partir en colo devient de plus en plus difficile pour les enfants des familles à revenu moyen, quand celles-ci ne bénéficient pas d’un comité d’entreprise ou ne résident pas dans une commune qui développe une politique de départ en colo.

Graphique 1 : Taux de départ en séjour collectif selon le revenu mensuel du ménage,

% parmi les partants en vacances

 

Sources : Ovlej 2011, Insee 2004

Ces évolutions soulignent l’impact déterminant des aides au départ.

L’intervention des CAF, ciblée sur les revenus les plus modestes, concernait en 2011 au total 19 % des enfants et adolescents partis en séjour collectif. Les Comités d’entreprise restent le premier acteur de l’aide aux séjours collectifs : 25 % du public accueilli en 2011 a bénéficié de leur intervention, sous la forme d’une aide directe à la famille ou du financement partiel du séjour. Par ailleurs, 14 % des enfants et adolescents partis en séjour collectif d’au moins 4 nuits en 2011 avaient bénéficié du soutien de leur collectivité locale.

En fonction de l’accès des familles à ces différents prescripteurs, CAF, Comité d’entreprise, collectivité locale, celles-ci bénéficient ou non d’une aide au financement du départ de leur enfant en colo. L’offre de séjours disponible sera également différente. On observe en effet une diversification des types de séjours et une tendance à la fragmentation des publics selon que le séjour est organisé ou proposé par un comité d’entreprise, une collectivité locale, ou financé partiellement par une CAF

Cette tendance à la fragmentation s’inscrit dans un contexte d’évolutions de la répartition du « marché » entre les différents organisateurs (graphique 2).

On observe :

  • une baisse de la part du secteur associatif,
  • une augmentation de la part des collectivités locales, qui montre le développement de l’ancrage local des séjours,
  • une baisse de la part des comités d’entreprises, qui sont donc de moins en moins organisateur,
  • un fort développement du secteur commercial.

Graphique 2 : Répartition de l’activité selon le statut de l’organisateur

En % de séjours – à l’exclusion des séjours « activités accessoires » (mini-camps)

 

Source : Mission des Etudes et de l’Observation Statistique du Ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports.

Ces résultats concernant les inégalités économiques, l’impact des aides au départ, et l’évolution du statut des organisateurs constitue un premier niveau d’analyse soulignant la nécessité d’inscrire les départs collectifs dans le cadre de politiques éducatives de vacances (qui ne se résume pas à des politiques sociales).

Interrogeons maintenant les familles et les jeunes.

 

Des pratiques ancrées dans notre modèle de vacances pour les enfants et les adolescents

Malgré ces évolutions et la baisse de fréquentation des séjours, ces pratiques sont ancrées dans notre modèle de vacances.

A 18 ans, 40 % des jeunes sont partis au moins une fois en colo, selon les résultats de notre enquête conduite 2011 auprès, rappelons-le, d’un échantillon représentatif national de 2 500 familles. Largement répandus parmi la population, ces séjours sont toujours plébiscités par les enfants et les adolescents : 81 % des jeunes interrogés en 2014 (Ovlej 2015[15]) avaient envie de partir en colonie la première fois et 78 % sont repartis après leur premier séjour. Plus de moitié de ceux qui ne sont pas repartis, n’en avaient pas eu l’opportunité : pour 46 % d’entre eux, le premier départ était trop récent pour avoir pu être suivi d’un second mais il le sera probablement. Pour 16 %, l’opportunité ne s’était pas présentée pour des questions d’offre, d’organisation familiale ou de places disponibles.

A titre de comparaison, la fréquentation du centre de loisirs ou les pratiques sportives voire artistiques n’apparaissent pas beaucoup plus courantes :

  • A l’âge de 18 ans, 45 % des adolescents déclarent avoir fréquenté le centre de loisirs, quand ils étaient enfants (Ovlej 2015).
  • Selon les données du ministère de la culture, 55 % des adolescents pratiquent un sport à l’âge de 11 ans, 42 % à 17 ans ; 40 % des 11 à 17 ans pratiquent une activité artistique (Octobre, Berthommier 2011) [16].

 

Les jeunes expriment leur désir de partir en colo, les parents souhaitent également que leur enfant parte. Comment ces désirs se construisent-ils ? Comment passent-ils du désir à la pratique effective ?

 

Du désir de partir en colo à la mise en œuvre

Plus d’un quart des parents d’enfants de 5 à 19 ans (27 %), parmi ceux interrogés en 2011, ont déclaré regretter de n’avoir pas pu fait partir leur enfant ou adolescent en séjour collectif cette année-là. Cette proportion dépasse un tiers quand leur enfant est âgé de plus 8 ans. Elle atteint de 40 % quand il a fréquenté le centre de loisirs ou qu’il a déjà fait l’expérience des colos.

Le souhait du départ en colo augmente ainsi avec l’âge de l’enfant. L’expérience du collectif est également un facteur incitatif. L’enquête 2011 montrait que l’expérience du mini camp favorise le départ en colo : 17 % des enfants et adolescents qui ont bénéficié d’une première expérience de départ en mini-camps les années précédentes sont partis en 2011 en séjour collectif, et seulement  8 % de ceux qui n’ont pas fréquenté auparavant un mini-camp.

On voit se dessiner des parcours conduisant au départ en colo. Mais cette enquête ne permettait pas de comprendre comment ces parcours se construisent. A partir de ces résultats, nous avons formulé deux hypothèses. Première hypothèse, ces parcours pourraient être motivés par des choix éducatifs de parents valorisant le collectif pour leur enfant dès son plus jeune âge. Ou, seconde hypothèse, cette continuité des pratiques résulterait d’un apprentissage progressif du collectif et du départ, par les parents et les enfants.

Les résultats de l’enquête conduite en 2014 auprès d’un échantillon de 900 familles représentatives des usagers des accueils collectifs de mineurs montrent que ces parcours, quelles que soient les pratiques associées, résultent d’intentions éducatives explicites pour une minorité de parents.

 

Pour la majorité des familles, ils se construisent au gré des opportunités, souvent dans la continuité de l’offre de la collectivité locale, ou à partir de celle du comité d’entreprise.

 

Parmi les parents interrogés dans le cadre de la phase exploratoire d’entretiens, le père de Gaspard[17] souligne le rôle majeur du prescripteur, ici le comité d’entreprise, dans la mise en œuvre de son projet. Il souhaitait faire vivre à ses enfants l’expérience des colos, expérience qu’il a lui-même fortement apprécié quand il était enfant. Mais ce projet serait resté à l’état de spéculation sans la « proposition » du comité d’entreprise.

 

« Quand vous avez un comité d’entreprise qui paye plus des deux tiers de la colo, c’est quand même pas négligeable. Donc c’est l’opportunité. Avant on s’est toujours débrouillés autrement, pour prendre des vacances décalées, pour les envoyer chez les grands-parents ou chez les copains. Là effectivement, le fait d’avoir une offre intéressante de colonie de vacances qui en gros, ne demande quasiment aucun effort aux parents, si ce n’est de se tenir au courant auprès du comité d’entreprise, c’est quand même une facilité de prise de décision, d’organisation. Et puis après j’ai demandé à mes collègues de travail qui m’ont dit « oui c’est super ». C’est aussi l’avantage des comités d’entreprise, c’est qu’il y a une histoire avec les organismes et en général vous savez pourquoi ils ont été sollicités. Il y a une espèce de confiance qui s’établit » (Famille C., juriste et graphiste, milieu urbain, trois enfants, Gaspard 12 ans.)

 

L’information est un des leviers majeurs du projet de départ. Un tiers des familles mentionnent des informations, des conseils quand on les interroge sur ce qui a suscité l’idée de faire partir leur enfant en colo la première fois. Ces informations ou conseils provenaient principalement de la mairie[18], d’un comité d’entreprise[19] ou de l’entourage des parents (amis, voisins, famille, collègues[20]). Les autres acteurs, associations, CAF, école ou enseignants, animateurs ou éducateurs sont très peu nommés[21]. De même, les références des parents à la presse, aux média audio-visuels ou à internet sont marginales à cette étape [22].

La relation à un prescripteur institutionnel, mairie ou comité d’entreprise) ou à des personnes proches ayant une expérience des colonies s’avère centrale dans le processus de prise de décision des familles. Ce résultat souligne également l’importance pour les parents de prendre appui sur une relation de confiance. La confiance en l’organisateur occupe en effet une place importante dans leurs motivations à faire partir leur enfant[23].

 

Quand il n’y a pas cette confiance, les parcours s’interrompent.

 

En effet, près de la moitié de ceux qui ont fréquenté les accueils collectifs depuis leur petite enfance (crèche ou halte-garderie, puis centre de loisirs) ne partent pas en colo. C’est principalement l’image des séjours, souvent liée pour les parents à leur propre expérience négative, qui fait obstacle.

 

A l’inverse, la perception progressive des apports du collectif favorise ces parcours.

 

Perception progressive des apports du collectif pour les parents et apprentissage du lien social pour les enfants

 

La fréquentation de la halte-garderie ou de la crèche par leur enfant développe en effet chez les parents des attentes plus fortes[24] à l’égard des centres de loisirs concernant  trois aspects :

 

  • les activités proposées, qu’elles soient généralistes ou spécifiques,

 

  • la dimension ludique,

 

  • la socialisation, dans une acception ouverte à la mixité sociale et favorisant le développement des relations amicales.

 

Cette progression est particulièrement mise en évidence si l’on s’intéresse aux usagers des modes de garde collectifs, halte-garderie ou crèche, qui n’avaient pas choisi ce type d’accueil dans un objectif de socialisation de leur enfant[25] mais plutôt pour des raisons d’organisation. C’est bien la pratique qui développe cette perception, et non pas les choix éducatifs de départ.

 

Quant au départ en mini-camp, première expérience de départ, il suscite effectivement des motivations plus fortes concernant la mobilité et la découverte de nouveaux territoires.

 

Enfin, l’expérience du centre de loisirs développe plus spécifiquement chez les parents un intérêt plus important pour :

 

  • la fonction de garde et d’accès au départ[26]  des séjours,

 

  • le développement de l’autonomie et l’apprentissage de la mobilité,

 

  • la socialisation, dans une conception générale d’apprentissage du vivre ensemble,

 

  • la confiance en l’organisateur de séjour.

 

La continuité des pratiques favorise ainsi l’intérêt des parents pour les apports éducatifs du collectif, ils expriment ainsi une attention plus forte pour le projet éducatif, quel que soit le type d’accueil. Ces parcours développent également un intérêt plus marqué des parents pour l’impact du départ en colonie sur l’autonomie de leur enfant.

 

On peut faire l’hypothèse que l’expérience du collectif[27] de leur point de vue, a favorisé cette autonomie, permettant et suscitant le départ de l’enfant, dans une relation de confiance avec l’organisateur à l’instar de celle vécue avec le centre de loisirs.

 

Chez les jeunes, la fréquentation de la crèche suscite des motivations plus fortes pour le centre de loisirs comme lieu de sociabilité amicale, et l’expérience du centre de loisirs développe leur désir de partir en colo pour faire de nouvelles rencontres et voyager. Cette expérience, contribuant à l’apprentissage de la relation à d’autres, proches dans un premier temps, permettrait ainsi à ces jeunes de se projeter ensuite plus facilement vers l’inconnu.

 

Cet apprentissage du lien social se confirme séjour après séjour. Lors de leur premier séjour, un tiers des jeunes souhaitait partir en colo pour rencontrer d’autres jeunes, cette proportion atteint près de 50 % pour le séjour suivant.

 

Les résultats observés d’une part chez les parents et d’autre part chez les jeunes révèlent l’impact de ces parcours éducatifs, d’un accueil collectif à l’autre, dans le développement des enfants et des adolescents et dans leur souhait de poursuivre ces pratiques.

 

Ce souhait est un moteur essentiel du départ en colo, pour l’enfant lui-même mais également pour les parents, au même niveau que l’information émanant des prescripteurs ou des proches. Quand on les interroge sur ce qui a suscité l’idée du premier départ en colo, un tiers des parents cite la demande de leur enfant. Celle-ci se construit dans la relation avec ses parents mais également et fortement, dans sa relation avec ses camarades. Partir avec ses amis est pour nombre de jeunes une condition indispensable au premier départ[28] et la crainte de « ne connaître personne » un frein majeur pour ceux qui étaient réticents à partir[29].

Pour les parents, la sociabilité amicale est plus secondaire, leurs attentes portent davantage sur la socialisation de leur enfant, l’apprentissage de la vie avec les autres ; mais l’enquête conduite en 2014 montrent que les parents ne donnent pas tous le même contenu à cet apprentissage.

 

Apprendre à vivre avec les autres : une diversité de conceptions parentales

 

Trois quarts des parents répondent avoir inscrit leur enfant au centre de loisirs (graphique 1) « pour qu’il apprenne à vivre avec d’autres », cette proportion atteint 83 % pour le départ en colonie (graphique 2). C’est la première des motivations explicitement éducative pour chacun de ces types d’accueils.

En revanche, la mixité sociale ne constitue pas une attente majeure. Elle est relevée par seulement 44 % des parents pour le centre de loisirs et 49 % d’entre eux pour le départ en colo.

Il n’y a d’ailleurs pas de raison qu’elle le soit davantage pour les ACM que pour l’ensemble de la société. Selon l’étude conduite par Jean Yves Authier et Sonia Lehmann-Frisch[30] dans des quartiers des quartiers gentrifiés de Paris et San Francisco, habiter dans ces quartiers constitue pour certains parents un choix éducatif, mais celui-ci inégalement prioritaire et avec des significations différentes. Mais nombre d’entre eux vivent ce lieu de résidence comme le résultat insatisfaisant d’un arbitrage sous contraintes. L’enquête conduite par l’Ovlej permet d’évaluer l’importance respective de ces attitudes.

Inégalement présent ou prioritaire chez les parents, l’enjeu éducatif que représente la mixité des publics peut également prendre des significations diverses. En effet, le rôle attribué à la diversité ou aux relations amicales dans la socialisation de leur enfant varie selon les familles, donnant ainsi à cette notion des contenus différents. Trois propositions distinguent en effet les parents selon leur attitude à l’égard de chacune d’entre elles : « pour qu’il côtoie des enfants de milieux sociaux et culturels différents », « pour qu’il apprenne à vivre avec d’autres », « pour qu’il se fasse de nouveaux amis ».

La typologie réalisée distingue des groupes de parents selon leurs réponses à ces propositions[31]. Chacun de ces groupes incarne une conception spécifique du mode de socialisation attendu au centre de loisirs ou en colonie de vacances (schéma 1).

La moitié des parents exprime une attitude positive à l’égard de la mixité sociale. Parmi eux, le premier groupe (profil type 1), considère que le centre de loisirs, la colo offre à leur enfant une expérience de socialisation ouverte à la différence et incarnée dans des relations amicales. Ainsi le père de Marielle[32] explique : » Déjà, elle voyait d’autres enfants que ceux de l’école. C’est bien. C’était des enfants certainement plus… C’est pareil pour les colonies de vacances, de milieux socialement plus défavorisés. On trouvait ça bien qu’elle voie d’autres enfants, qu’elle fasse avec, qu’elle arrive à jouer avec eux, à avoir des relations avec eux ». (Famille D., au foyer et dessinateur, milieu urbain, un enfant, Marielle 13 ans.)

Ce groupe est à la fois sensible aux apports et aux difficultés de la diversité. Il se caractérise par une forte présence de membres de professions indépendantes et d’ouvriers.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Graphique 2 : Pour quelles raisons avez-vous inscrit votre enfant en colonie de vacances ?
Graphique 1 : Pour quelles raisons avez-vous inscrit votre enfant au centre de loisirs ?

 

 

 

 

 

 

Schéma 1 : Modes de socialisation attendus par les parents en centre de loisirs ou colonie de vacances

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour deux autres groupes, plus minoritaires (profils type 1 bis et profil type 1 ter) l’intérêt pour la mixité sociale est théorique et s’exprime sur le mode de l’observation et de la confrontation. Dans leur étude sur les quartiers gentrifiés, Authier et Lehman-Fresh notaient également que pour certains parents, exposer ses enfants à la mixité répond à un objectif de connaissance de la société et de sa place au sein de celle-ci. C’est ce qu’explique le père de Gaspard.

« Je tiens à ce que mes enfants partagent la même chose avec tous les autres enfants que ce qu’ils peuvent partager avec un petit voisin, pour moi ça ne fait pas différence. C’est plutôt une richesse parce que il y a un échange de culture, de comprendre ce que certains ont, ce que d’autres n’ont pas. La vie en général, c’est bien d’être confronté à des choses un peu différentes. Qu’est-ce que ça apporte ? Ça apporte de relativiser par exemple, de se dire qu’on n’est pas si malheureux que ça, de se rendre compte qu’on est gâté de temps en temps, qu’on a de la chance, qu’on habite un grand appartement que ce n’est pas le cas de tout le monde, plein de choses comme ça qui font que la confrontation avec d’autres enfants peut aider à relativiser. Certains parents pensent que ça peut être compliqué, parce qu’il y a des enfants qui ont des problèmes de comportement, que ça peut être difficile pour leur enfant, qu’en pensez-vous ? Si on n’apprend pas à gérer les comportements des autres, d’autres que les siens dans son enfance, après on est confronté à quoi ? » (Famille C., juriste et graphiste, milieu urbain, trois enfants, Gaspard 12 ans.)

Cette attitude est plus fréquente parmi les cadres, ou les familles disposant de revenus faibles à moyens.

L’autre moitié des parents se situe plus en retrait par rapport à la mixité sociale. Un quart des familles attend que le centre de loisirs ou la colo contribuent à la socialisation de leur enfant à travers la vie collective et es relations amicales nouées dans ce cadre, mais ils souhaitent que ces relations, cette expérience de la relation aux autres reste dans l’entre soi (profil type 2). Cette attitude est partagée par une diversité de catégories sociales mais les cadres sont plus nombreux qu’en moyenne à y adhérer. A situation économique comparable, elle est plus fréquente chez les habitants des grandes agglomérations ou à l’opposé des communes rurales. Ces parents se caractérisent pourtant par un intérêt marqué pour le collectif qui ne s’accompagne pas d’un intérêt pour la diversité mais au contraire d’une attitude de défiance. Celle-ci peut conduire à des stratégies d’évitement, comme celle mise en œuvre par la mère de Louis.

« Je suis une partisane du collectif, c’est une manière de se frotter à la vie en collectivité. On est pas tout seul, on doit vivre avec les autres. (…) Le collectif c’est d’abord quoi ? Rencontrer des gens différents ? Des gens différents non, mais faire des choses en commun » (..) Je trouve qu’on se débrouille mieux quand on est dans le collectif, ça dessale. (…) il y en a qui sont pris en charge intégralement par les services sociaux, par les bons vacances. Ce qui fait qu’on arrive à avoir des participants un peu… Je ne vais pas dire qu’ils sont tous borderline, mais qui arrivent de services sociaux, et qui sont parfois un peu déjantés. Ça fait une espèce de mix qui pourrait gêner certains parents. Moi, ça m’a gêné après (le téléphone sonne, interruption de l’entretien). Moi ça ne me dérange pas, mais après, si vous voulez, on n’a peut-être pas envie de ce problème-là pour ses enfants l’été. (…) Moi je n’ai jamais rien signalé mais j’ai constaté, et j’ai changé d’organisme. (…) On payait selon son coefficient, donc les gens avaient des bons vacances et d’autres pas, c’était le jour et la nuit avec ces gens-là. Donc là vous avez la mixité. Mais quand vous allez genre X, des choses comme ça, un peu plus sportives (…) je pense qu’ils n’acceptent pas les bons vacances. Donc là c’est très clair qu’il n’y a pas de mixité sociale, c’est cher. Plus vous avez des activités intéressantes, plus vous avez besoin d’expertise autour d’une activité, plus c’était cher. «  (Famille L., chef d’entreprise et chef de chantier, milieu urbain, trois enfants, Louis 17 ans.)

Les deux groupes suivants (profils type 2bis et type 2 ter) valorisent l’entre soi comme le précédent, avec un intérêt plus marqué pour le collectif pour le premier ou pour la sociabilité amicale pour le second.

Le dernier groupe (21 % des usagers du centre de loisirs, 5 % pour les colos, profil type 3) n’exprime pas d’intérêt particulier pour la socialisation de leur enfant dans le cadre de ces accueils, ni d’attentes éducatives plus générales. Ces parents sont en effet centrés sur la fonction de garde pour le centre de loisirs et le départ en colo a lieu à la demande de l’enfant.

 

On note une continuité d’attitude des parents qu’il s’agisse du centre de loisirs ou de la colo.

 

Mais on observe des décalages qui renvoient aux fonctions spécifiques que les parents attribuent à chacun de ces accueils :

  • Près de 40 % des usagers n’exprimant aucune attente en termes de socialisation, de relations amicales ou de mixité sociale à l’égard du centre de loisirs, souhaitent que leur enfant parte en colonie notamment pour « apprendre à vivre avec d’autres enfants » et près de 20 % également pour qu’il côtoie des enfants d’origines et milieux divers. Alors que le centre de loisirs avait essentiellement pour eux une fonction de garde, la colonie prend d’autres significations.
  • De même, un quart des parents valorisant une socialisation entre soi au centre de loisirs exprime des attentes en termes de mixité sociale pour le séjour collectif de leur enfant. Le séjour en colonie constitue une ouverture vers d’autres rencontres.
  • Mais à l’inverse, plus de 27 % des usagers exprimant des attentes concernant la mixité sociale en centre de loisirs (profils types 1) n’adhèrent pas à cette proposition pour le séjour en colonie. Le départ de l’enfant dans un autre cadre que le contexte quotidien, connu, où l’enfant peut être amené à rencontrer une plus grande diversité de populations peut susciter des craintes chez certains parents.

 

Une ouverture sur l’extérieur pour les jeunes

La diversité sociale est spontanément peu évoquée par les jeunes au cours des entretiens. Quand on leur pose la question dans le cadre de l’enquête par questionnaire, un quart des jeunes répond que cette question n’a pas d’importance pour eux, 71 % répondent qu’ils apprécient la diversité en colonie, 77 % au centre de loisirs. Les adolescents se montrent donc plus positifs que leurs parents.

Quand on les interroge sur les raisons pour lesquelles ils apprécient la diversité (graphique 3), leur première réponse spontanée est qu’ils découvrent ainsi d’autres façons de penser, de vivre, puis que ce n’est pas un sujet pour eux.

 

Graphique 3 : Pourquoi ces différences de milieux sociaux et culturels te plaisent ?

Réponses spontanées à une question ouverte

 

 

La diversité renvoie davantage pour eux à des styles de personnalités, à un large éventail de caractéristiques (rural/urbain, accents régionaux..etc) qu’à des catégories sociales ou des origines culturelles différentes. Dans les entretiens, il l’associe au handicap ou à une enfance en souffrance, en raison de maltraitance ou de situations de grande précarité. Ils laissent entendre que la colo offre un cadre particulier pour ces rencontres. Cela reste à analyser plus avant, en s’intéressant particulièrement à la manière dont les relations se nouent dans le cadre des séjours, et avec qui. Il y aurait à analyser la manière dont, comme le dit Flore (13 ans), ils sont entrés en « collaboration ».

« Aller en colo, ça permet de connaître du monde, d’apprendre de nouvelles choses… Apprendre à connaître des gens même si je les aimais pas forcément. II y a toujours des gens qu’on n’aime pas trop quand on est en collaboration, mais c’est bien d’être avec des gens qu’on voit pas en général. » (Famille B., assistante maternelle et ouvrier, milieu rural, deux enfants, Flore 13 ans.)

La diversité, perçue par certains parents, comme potentiellement néfaste, représente pour les jeunes une ouverture vers l’extérieur, riche d’apprentissages.

 

Quelques pistes en guise de conclusion

Pour terminer, je voudrais souligner quelques éléments clés qui ressortent des résultats de nos enquêtes :

  • L’importance de la demande de l’enfant, de l’adolescent en relation avec ses pairs ;
  • L’apprentissage progressif du collectif au fur et à mesure des expériences, pour les enfants mais également pour les parents ;
  • L’expérience du centre de loisirs développe une perception du collectif comme lieu de socialisation amicale, les activités étant support de cette socialisation ;
  • La colonie, c’est pour les adolescents, partir entre soi, avec ses camarades pour rencontrer les autres.

 

J’espère que ces éléments vous donneront matière à penser et à agir, penser pour agir vite, car à mon sens, pour observer le champ depuis 15 ans, il y a urgence. Car il me semble que nous sommes à une croisée de chemins. L’un pourrait être de permettre à tous les enfants et les jeunes de vivre ces expériences et parcours qu’ils jugent très riches. Quand on demande à Flore ce que lui a appris la colo, elle répond « ça m’a appris tellement de choses que ça va être un peu long ». L’autre chemin pourrait être de laisser se développer cette tendance à la fragmentation qui fait que peu à peu les enfants qui ne partent pas en vacances auront la possibilité de séjours courts, proches de chez eux, et les autres auront accès à des voyages, notamment à l’étranger. Cédric Javault, fondateur et directeur général de Telligo, interviewé cet été par la Tribune dit : « la mixité sociale c’est du pipeau ».

 

Dans les résultats que je vous ai présentés, au travers de vos expériences, vous avez sans doute relevé des pistes de travail. Je vais m’autoriser à vous en proposer quelques-unes :

  1. Développer les passerelles entre les partenaires, prescripteurs, CAF, et également les travailleurs sociaux, l’ensemble des acteurs éducatifs,
  2. Développer le maillage territorial entre les acteurs,

Pour développer les opportunités offertes aux familles, au plus près de leur cadre de vie, et l’information.

  1. Développer une communication en direction des enfants et des adolescents et construites avec eux ;
  2. Réactualiser, moderniser l’image des colos auprès du grand public.
  3. Développer, inventer d’autres pratiques. Aujourd’hui, dans un contexte de désynchronisation des temps sociaux, on valorise les vacances en famille, avec la nécessité de temps pour se retrouver. Mais on part ensemble pour faire ce que chacun souhaite faire (Viard 2015). Une piste pourrait être d’être présent sur les lieux de vacances en famille, pour proposer des premiers départs, pour des durées très courtes.

 

Je vous remercie de votre attention et vous propose d’échanger à partir de ces résultats, ces quelques propositions.

 

 

 

 

 

 

 

[1] Les travaux de l’Ovlej sont en accès libre sur son site : www.ovlej.fr.

[2] Viard J., 2004, Les temps libérés, Journées d’études organisées par les CEMÉA.

[3] Viard J., 2015, Le triomphe d’une utopie, Vacances, loisirs, voyages, la révolution des temps libres, L’Aube.

[4] Urbain J.D., 2011, L’envie du monde, Bréal.

[5] L’enquête SDT et celle du Crédoc n’utilisent la même définition du départ en vacances. Pour le SDT, c’est un déplacement pour un motif personnel, autre que professionnel. Le Crédoc interroge le point de vue des personnes, ce qu’elles pensent être des vacances

[6] Hoibian S., Muller J., Vacances 2014 : l’éclaircie, Crédoc, Janvier 2015. Voir aussi Gitton F.P., « Les Français préservent leur capacité de départ », Le 4 pages de la DGE, n°40, décembre 2014.

[7] Pronovost G., 2014, « Sociologie du loisir, sociologie du temps », Temporalités, n°20. http://temporalites.revues.org/2863

[8] Sautory O., Zilloniz S., De l’organisation des journées à l’organisation de la semaine : des rythmes de travail socialement différenciés, Economie et statistique, n°478-479-480, pp. 155-

[9] Hoiban S., 2009, Avec la crise la recherche de vacances économes se développe, Crédoc, DGCIS. Hoiban S., 2010, Vacances 2010 : les contraintes financières favorisent de nouveaux arbitrages, Crédoc, DGCIS. Hoiban S., 2012, « Les Français se sentent intégrés dans une société qu’ils jugent pourtant fragmentée », Note de synthèse, n°5.

[10] Ovlej, 2013, « Le départ en vacances des enfants et des adolescents aujourd’hui : progression des inégalités et resserrement autour de la famille », Bulletin n°41, mars. Ovlej, « Les colos aujourd’hui : un modèle de vacances socialement partagé qui perdure et se transforme », Bulletin n°42, juillet. Monforte I., 2013, Quelles vacances pour les enfants et les adolescents aujourd’hui ?, Ovlej, Dossier d’étude n° 163, mai, CNAF.

[11] Hoiban S., (2012), Les catégories défavorisées, de plus en plus sur le bord de la route des vacances, Note de synthèse, Crédoc, juillet. Mémento du Tourisme, édition 2012, ministère de l’artisanat, du commerce et du tourisme.

[12] Baromètre de la pauvreté, IPSOS/Secours populaire, 2012.

[13] Guillaudeux V., Philip F., (2012), « L’accompagnement social des familles dans l’accès aux vacances : éléments d’évaluation », L’e-ssentiel, n°128, CNAF.

[14] Cette notion est très large. Au vu des caractéristiques de notre population ayant au moins un enfant mineur, nous rejoignons les résultats de l’étude conduite par le Crédoc en 2009 qui situe un revenu compris entre 2 300 € et 3 490 € avant un impôt pour un couple avec deux enfants de moins de 14 ans dans les « classes moyennes inférieures » (R. Bigot, Classes moyennes et inégalités de conditions de vie, Séminaire inégalités, INSEE, 2009). En 2009, selon l’INSEE le revenu moyen disponible des couples avec deux enfants s’élevait à 4 190 € mensuels et à l’opposé celui des familles monoparentales à 2 200 € par mois.

[15] Ovlej, 2015, « Centres de loisirs, mini-camps, colonies : choix et expériences du collectif », Bulletin n°44, Avril.

[16]Octobre S., Berthommier N., 2011, « L’enfance des loisirs, Éléments de synthèse », Culture études, Univers culturels et transmission, Ministère de la culture et de la communication, n°6. PUBLIQUES ET RÉGULATIONS

[17] Les prénoms ont été modifiés pour des raisons de confidentialité.

[18] Pour 28 % des familles parmi celles ayant répondu que l’idée du premier départ en colonie de leur enfant avait été suscitée par une information ou le conseil d’une personne.

[19] Pour 27 % d’entre elles.

[20] Pour 22 % d’entre elles.

[21] L’information venant des associations est citée par 6 % de ces familles, 4 % font référence à des éducateurs, 2 % aux CAF, 2 % à l’école ou à des enseignants, 2 % à des animateurs.

[22] Parmi les familles ayant répondu que l’idée du premier départ en colonie de leur enfant avait été suscitée par une information, 5 % citent internet et moins de 1 % différents média.

[23] Parmi les 18 items proposés aux parents pour caractériser les raisons pour lesquelles ils ont inscrit leur enfant en colonie, « Vous aviez confiance en l’organisateur du séjour » est placé au 5ème rang.

[24] Indépendamment des caractéristiques des familles, selon les résultats de régressions logistiques réalisées sur les motivations des parents selon leurs caractéristiques et l’usage ou non des différents types d’accueils collectifs par leur enfant.

[25] Soit 13 % des usagers des haltes garderies et 10 % des usagers des crèches, le plus souvent motivé par la socialisation précoce de l’enfant (pour 87 % des premiers et 90 % des seconds).

[26] Pour 85 % des familles pour lesquelles c’est le besoin de garde qui initie le projet de premier départ en colonie, leur enfant a fréquenté le centre de loisirs.

[27] L’impact de l’expérience du centre de loisirs varie selon les conceptions éducatives des parents, elle va d’autant plus favoriser le départ en colonie que le mode de garde dans la petite enfance avait été motivé non pas par la relation parents/enfant mais par la qualité de vie de ce dernier.

[28] 38 % répondent qu’ils sont partis avec des jeunes qu’ils connaissaient et que c’était important pour 79 % d’entre eux (très important pour 43 %). Les deux tiers avaient échangé avec leurs amis avant le départ. Quand c’est la demande du jeune qui a suscité le projet de départ en colonie (selon les parents), 86 % des jeunes avaient organisé le départ commun avec leurs camarades.

[29] Pour 54 % d’entre eux, le premier obstacle étant la séparation avec les parents, citée par 70 % de ceux qui n’avaient pas envie de partir la première fois.

[30] Authier J.Y., Lehman-Frisch S., 2014, « Confronter ses enfants à la mixité, Discours et pratiques des parents de classes moyennes supérieures dans deux quartiers gentrifiées de Paris et San Francisco », Politiques sociales et familiales, n°117, septembre, pp.59-70.

[31] Les propositions évoquant les relations amicales existantes « pour qu’il vive des vacances avec ses amis » ou « pour qu’il retrouve ses amis en dehors de l’école » ne distinguent pas des groupes de parents.

[32] Extrait d’entretiens réalisés dans le cadre de la dernière enquête de l’Ovlej, voir les bulletins n° 44 et 45 à télécharger sur www.ovlej.fr. Les prénoms ont été modifiés pour des raisons de confidentialité.


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