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Congrès des CEMEA – Grenoble 20 août 2015

 

10 ans après « les temps libérés », quels devenirs pour les loisirs collectifs ?

Isabelle Monforte – Ovlej

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L’Ovlej (Observatoire des Vacances et des Loisirs des enfants et des jeunes) est une association constituée de la Jeunesse au Plein Air (JPA) et de l’Union Nationale des Associations de Tourisme et de plein air (Unat). Depuis sa création en 1999, l’Ovlej conduit des études sur le champ des vacances et des loisirs collectifs, avec ses membres et en partenariat avec des acteurs du secteur.

 

Avant d’échanger sur les devenirs des loisirs collectifs, je vous propose de partager quelques-uns des résultats majeurs d’études récentes sur le sujet, notamment celles conduites par l’Ovlej[1], pour mettre en évidence les enjeux actuels pour le secteur et dégager des perspectives.

Partons du contexte social, culturel et économique pour aller vers les attitudes et les pratiques des familles.

Réussir à partir en vacances

Jean Viard vous disait en 2004 « Dans notre pays on ne démocratise plus le départ en vacances depuis une trentaine d’années. Environ 30 % ne partent pas en vacances et nous ne savons plus faire progresser le taux de départ »[2]. Dans son dernier ouvrage il précise « si l’on accepte 10 à 15 % de non partants volontaires, cela donne une poche dure de 15 à 20 % d’exclus envers lesquels les anciennes politiques de démocratisation paraissent de peu d’effets ; sans doute parce que ces politiques ont été pensées pour éduquer au départ en vacances et qu’elles se heurtent ici à un noyau dur d’exclusion.» (Viard, 2015, p. 135)[3]. Mais notre société est pour lui globalement acculturée aux vacances.

Pour Jean Didier Urbain (2011)[4], la crise « agresse un modèle culturel », celui des vacances.

C’est ce que montrent les enquêtes sur le sujet. Aujourd’hui, en 2015, 35 % des plus de 15 ans ne sont pas partis pour un autre motif que professionnel selon le Suivi de la Demande Touristique (SDT) et 40 % des plus de 18 ans déclarent ne pas être partis en vacances,[5] selon le Crédoc. Après plus d’une décennie de baisse du taux de départ en vacances, celui-ci retrouve le niveau observé au début des années 2 000.

Non pas que la situation économique et les contraintes budgétaires des familles se soient allégées, les dépenses obligatoires pèsent de plus en plus sur les budgets. Mais selon le Crédoc et la Direction Générale des Entreprises (DGE, en charge du Tourisme) : « pour partir malgré leurs contraintes financières, les Français deviennent de plus en plus experts et tirent parti des différentes possibilités qui leur sont offertes» (Hoibian, Muller 2015)[6].

«Trois types de comportements ‘malins’ » remportent un succès grandissant (Hoibian, Muller 2015) : partir hors saison (10 points de plus qu’en 2008), réserver son voyage longtemps à l’avance (+11 points) et voyager avec des compagnies aériennes low cost (+12 points). Mais surtout, la majorité des séjours a lieu en hébergement non marchand, dans la famille ou chez des amis. En dix ans, selon l’enquête de Suivi de la Demande Touristique de la DGE, le nombre de nuitées dans les hébergements non marchands a augmenté de 10 % tandis que le nombre de nuitées dans les hébergements marchands a chuté dans la même proportion. Quelle que soit la durée des séjours, l’hébergement non marchand représente en 2014 plus de 66 % du nombre de nuitées pour les séjours en France et 59 % pour l’ensemble des destinations.

Les Français deviennent de plus en plus experts, ou dit autrement « se débrouillent » pour réussir à partir, car ils y tiennent.

«L’envie de voyage et de vacances persiste dans la tourmente et donc, ces plaisirs touristiques ou de séjours hors du quotidien ne sont plus tant perçus comme un luxe, une digression futile ou un supplément occasionnel mais bien conçus désormais comme un besoin, une parenthèse utile et un complément bénéfique de la vie » souligne l’anthropologue Jean-Didier Urbain dans son dernier ouvrage.

Cette envie est probablement d’autant plus forte que l’on assisterait depuis une décennie à une relative stabilisation du temps de loisirs, voire à un léger déclin de ce temps pour les actifs et particulièrement pour les plus diplômés. Nos sociétés occidentales seraient de plus en plus seraient de plus en plus polarisées « entre une catégorie de population ‘ idle subordonate ‘, dépendante, et une autre de plus en plus ‘occupée ‘ par son travail » (Pronovost 2014[7]). De plus, les temps de trajets augmentent, les horaires de travail sont devenus plus irréguliers, les semaines se sont allongés et les rythmes sont de plus en plus décalés (Sautory, Zilloniz 2015[8]).

Partir en vacances est effectivement vécu dans ce contexte une parenthèse nécessaire. Les enquêtes conduites chaque année par le Crédoc[9] sur ce sujet le montrent. Cette parenthèse permet de souffler et de porter un regard plus positif sur son cadre de vie au retour. Partir en vacances est également un marqueur social. On se sent d’autant mieux intégré à la société que l’on part en vacances et à l’inverse, ne pas pouvoir partir concourt au sentiment de « déclassement » des personnes concernées, plus fortement que ne pas posséder de voiture ou de téléphone mobile (Crédoc 2010, 2012).

On parvient donc à partir en vacances mais de plus en plus en hébergement non marchand, c’est-à-dire chez la famille, des amis, et ainsi pour des vacances de plus en plus souvent entre soi. Le départ dépend alors de ces relations et de ces ressources en termes d’hébergement, ressources inégalement partagées.

 

 

 

 

 

Qu’en est-il du taux de départ des enfants et des adolescents ?

On ne sait pas. Jusqu’en 2004, les enquêtes « vacances » conduites par l’Insee interrogeaient tous les 5 ans l’accès au départ de l’ensemble de la population, de tous âges. Depuis la disparition de ces enquêtes, il n’y a plus de statistiques publiques sur le taux de départ des enfants et des adolescents. Les enquêtes financées par la Direction en charge du tourisme (aujourd’hui DGE) portent uniquement sur les plus de 15 ans pour le Suivi de la Demande Touristiques et les plus de 18 ans pour celles conduites par le Crédoc.

Notre société ne s’intéresse pas ou ne s’intéresse plus au taux de départ des enfants et des adolescents. On considère qu’ils partent avec leurs parents ou ne partent pas, ils sont comptabilisés avec eux, parmi les partants ou les non partants. Le droit au départ des enfants ne représenterait plus un enjeu social, un enjeu politique.

Il serait plus juste de dire que les pouvoirs publics ne s’y intéressent plus. Mais cette question rencontre toujours un écho important auprès de certains de nos partenaires et au sein de la société civile, via les médias. L’enquête que nous avons conduite fin 2011 pour évaluer le taux de départ des mineurs a bénéficié d’un financement de la CNAF et rencontré un large écho dans les médias au moment de la publication des résultats en 2012. Cette enquête avait été conduite auprès d’un échantillon représentatif national de plus 2500 familles ayant au moins un enfant de 5 à 19 ans, échantillon construit pour être comparable à celui de la dernière enquête vacances de l’Insee de 2004 (Ovlej 2013)[10].

Que montraient les résultats ?

  • Le taux de départ des enfants et des jeunes est resté stable entre 2004 et 2011 alors que celui de l’ensemble de la population marquait une baisse pour la même période[11]. En 2004 comme en 2011, près de 75 % des 5 à 19 ans sont partis au moins une fois dans l’année pour quatre nuits ou plus consécutives. L’attachement aux vacances est encore plus marqué quand il s’agit de préserver le départ de ses enfants. Quand ce sont les enfants qui sont privés de vacances, il ne s’agit plus seulement d’une dégradation de l’image de son propre statut social mais de marginalisation. Pour trois Français sur quatre, rencontrer des difficultés à faire partir ses enfants en vacances au moins une fois par an est une caractéristique de la pauvreté (Ipsos 2012[12]). Pour les personnes concernées, c’est également leur capacité à assumer pleinement leur fonction parentale qui est en cause[13]. Face à ces enjeux individuels et sociaux, on renonce aux vacances des enfants quand il n’est plus possible d’économiser sur d’autres types de dépenses.

 

  • Les inégalités se sont renforcées. Les enfants des familles les moins aisées ont vu leur taux de départ en vacances se réduire. En dessous de 1 500 € de revenu mensuel, seul un enfant sur deux était parti en vacances en 2011, ils étaient 58 % en 2004.

 

  • Un quart des 5 à 19 ans sont toujours exclus du départ en vacances, soit près de trois millions d’enfants et d’adolescents chaque année, sur une population totale de 11 500 000 (au 1er janvier 2012 selon l’Insee). Pour ceux qui partent, le nombre de séjours a diminué et le nombre de journées passées hors du domicile sur l’année s’est réduit. Cette érosion des vacances s’étend aujourd’hui aux classes moyennes et supérieures, révélant ainsi les difficultés de catégories de plus en plus larges de la population à préserver les vacances de leurs enfants. Ces données confirment l’analyse de Jean-Didier Urbain : la crise « agresse un modèle culturel», celui des vacances.

 

  • Ces inégalités sont plus marquées pour les adolescents. En dessous de 1 500 € mensuels, 57 % des 17 à 19 ans étaient partis au moins une fois en vacances en 2004 et seulement    37 % en 2011. De manière générale le taux de départ chute après 17 ans : il passe de 77 % pour les adolescents âgés de 14 à 16 ans à 66 % pour les jeunes de 17 à 19 ans.

 

  • Ces inégalités concernent l’accès au départ mais également l’accès aux pratiques.
  • Les vacances en famille, avec les parents, se sont généralisées et démocratisés : 80 % des partants avaient bénéficié d’un séjour avec leurs parents en 2004 et 86 % en 2011, cette progression est plus marquée parmi les familles disposant d’un revenu inférieur à 2 000 € mensuels (+ 9 à + 15 points pour la même période). Mais le nombre de séjours s’étant réduit, les séjours en famille sont devenus le seul mode de vacances pour un nombre croissant d’enfants et d’adolescents : pour 53 % des partants en 2004 et 61 % en 2011. Cette évolution touche plus spécifiquement les classes moyennes[14], dont le revenu mensuel se situe entre 2 000 € et 3 000 €. Second constat, ce sont les pré adolescents et les adolescents qui partent de plus en plus exclusivement avec leurs parents. En 2011, c’est le seul mode de vacances pour les deux tiers des 11-13 ans partis au moins une fois dans l’année (55 % en 2004), pour 60 % des 14-16 ans et près de la moitié des plus de 17 ans (48 % et 39 % en 2004).
  • Les départs en autonomie sont également de plus en plus tardifs: en 2004, ils avaient concerné 30 % des partants âgés de 17 ans, 54 % à 18 ans et 60 % à 19 ans ; en 2011, ils étaient seulement 7 %, 21 % et 39 % au même âge à avoir expérimenté ce mode de séjour.

Partir sans les parents devient ainsi une expérience de plus en plus réservée aux plus aisés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La baisse du taux de départ en colonie est à resituer dans ce contexte et à relativiser

Entre 1981 et 2011, le taux de départ en vacances avec les grands parents s’est en effet réduit de moitié parmi les moins de 16 ans : il est passé de 37 % des partants selon les résultats d’une enquête conduite par l’Ined, à 19 % aujourd’hui. Le taux de départ en séjour collectif pour la même tranche d’âge s’est réduit de 16 % des partants à 10 % en 2011.

Pour la même année, mais sur la tranche d’âge des 5 à 19 ans, 7,5 % des enfants et adolescents sont partis en vacances collectives, colonies, camps ou séjours linguistiques pour 4 nuits au moins en 2011. On peut y ajouter 2,5 % de la population de la même tranche d’âge partis en mini-camps ou mini-séjours pour des durées plus courtes (1 à 4 jours). Au total, en 2011, le taux de départ en séjour collectif, y compris les mini-camps, atteint 10 % de la population de référence. Au milieu des années 80, ces séjours (de plus de 4 nuits) accueillaient chaque année plus de 13 % de la population âgée de 5 à 19 ans. La baisse de la fréquentation serait plus marquée cette année.

Autre résultat de notre enquête, l’accès au départ en colo est marqué par des inégalités économiques croissantes. Le taux de départ des enfants des familles les moins aisées, disposant d’un revenu mensuel inférieur à 1 000 € mensuels, a progressé grâce aux aides des CAF (graphique 1). Cette progression s’observe également entre 1 500 et 2 000 € par mois, mais le taux départ reste inférieur à la moyenne. A l’inverse, l’accès aux séjours collectifs des enfants des familles bénéficiant d’un revenu moyen (entre 2 000 et 3 000 € mensuels) a régressé entre 2004 et 2011. Leur niveau de revenu les place le plus souvent au-dessus des seuils d’aide des CAF. Partir en colo devient de plus en plus difficile pour les enfants des familles à revenu moyen, quand celles-ci ne bénéficient pas d’un comité d’entreprise ou ne résident pas dans une commune qui développe une politique de départ en colo.

Graphique 1 : Taux de départ en séjour collectif selon le revenu mensuel du ménage,

% parmi les partants en vacances

 

Sources : Ovlej 2011, Insee 2004

Ces évolutions soulignent l’impact déterminant des aides au départ.

L’intervention des CAF, ciblée sur les revenus les plus modestes, concernait en 2011 au total 19 % des enfants et adolescents partis en séjour collectif. Les Comités d’entreprise restent le premier acteur de l’aide aux séjours collectifs : 25 % du public accueilli en 2011 a bénéficié de leur intervention, sous la forme d’une aide directe à la famille ou du financement partiel du séjour. Par ailleurs, 14 % des enfants et adolescents partis en séjour collectif d’au moins 4 nuits en 2011 avaient bénéficié du soutien de leur collectivité locale.

En fonction de l’accès des familles à ces différents prescripteurs, CAF, Comité d’entreprise, collectivité locale, celles-ci bénéficient ou non d’une aide au financement du départ de leur enfant en colo. L’offre de séjours disponible sera également différente. On observe en effet une diversification des types de séjours et une tendance à la fragmentation des publics selon que le séjour est organisé ou proposé par un comité d’entreprise, une collectivité locale, ou financé partiellement par une CAF

Cette tendance à la fragmentation s’inscrit dans un contexte d’évolutions de la répartition du « marché » entre les différents organisateurs (graphique 2).

On observe :

  • une baisse de la part du secteur associatif,
  • une augmentation de la part des collectivités locales, qui montre le développement de l’ancrage local des séjours,
  • une baisse de la part des comités d’entreprises, qui sont donc de moins en moins organisateur,
  • un fort développement du secteur commercial.

Graphique 2 : Répartition de l’activité selon le statut de l’organisateur

En % de séjours – à l’exclusion des séjours « activités accessoires » (mini-camps)

 

Source : Mission des Etudes et de l’Observation Statistique du Ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports.

Ces résultats concernant les inégalités économiques, l’impact des aides au départ, et l’évolution du statut des organisateurs constitue un premier niveau d’analyse soulignant la nécessité d’inscrire les départs collectifs dans le cadre de politiques éducatives de vacances (qui ne se résume pas à des politiques sociales).

Interrogeons maintenant les familles et les jeunes.

 

Des pratiques ancrées dans notre modèle de vacances pour les enfants et les adolescents

Malgré ces évolutions et la baisse de fréquentation des séjours, ces pratiques sont ancrées dans notre modèle de vacances.

A 18 ans, 40 % des jeunes sont partis au moins une fois en colo, selon les résultats de notre enquête conduite 2011 auprès, rappelons-le, d’un échantillon représentatif national de 2 500 familles. Largement répandus parmi la population, ces séjours sont toujours plébiscités par les enfants et les adolescents : 81 % des jeunes interrogés en 2014 (Ovlej 2015[15]) avaient envie de partir en colonie la première fois et 78 % sont repartis après leur premier séjour. Plus de moitié de ceux qui ne sont pas repartis, n’en avaient pas eu l’opportunité : pour 46 % d’entre eux, le premier départ était trop récent pour avoir pu être suivi d’un second mais il le sera probablement. Pour 16 %, l’opportunité ne s’était pas présentée pour des questions d’offre, d’organisation familiale ou de places disponibles.

A titre de comparaison, la fréquentation du centre de loisirs ou les pratiques sportives voire artistiques n’apparaissent pas beaucoup plus courantes :

  • A l’âge de 18 ans, 45 % des adolescents déclarent avoir fréquenté le centre de loisirs, quand ils étaient enfants (Ovlej 2015).
  • Selon les données du ministère de la culture, 55 % des adolescents pratiquent un sport à l’âge de 11 ans, 42 % à 17 ans ; 40 % des 11 à 17 ans pratiquent une activité artistique (Octobre, Berthommier 2011) [16].

 

Les jeunes expriment leur désir de partir en colo, les parents souhaitent également que leur enfant parte. Comment ces désirs se construisent-ils ? Comment passent-ils du désir à la pratique effective ?

 

Du désir de partir en colo à la mise en œuvre

Plus d’un quart des parents d’enfants de 5 à 19 ans (27 %), parmi ceux interrogés en 2011, ont déclaré regretter de n’avoir pas pu fait partir leur enfant ou adolescent en séjour collectif cette année-là. Cette proportion dépasse un tiers quand leur enfant est âgé de plus 8 ans. Elle atteint de 40 % quand il a fréquenté le centre de loisirs ou qu’il a déjà fait l’expérience des colos.

Le souhait du départ en colo augmente ainsi avec l’âge de l’enfant. L’expérience du collectif est également un facteur incitatif. L’enquête 2011 montrait que l’expérience du mini camp favorise le départ en colo : 17 % des enfants et adolescents qui ont bénéficié d’une première expérience de départ en mini-camps les années précédentes sont partis en 2011 en séjour collectif, et seulement  8 % de ceux qui n’ont pas fréquenté auparavant un mini-camp.

On voit se dessiner des parcours conduisant au départ en colo. Mais cette enquête ne permettait pas de comprendre comment ces parcours se construisent. A partir de ces résultats, nous avons formulé deux hypothèses. Première hypothèse, ces parcours pourraient être motivés par des choix éducatifs de parents valorisant le collectif pour leur enfant dès son plus jeune âge. Ou, seconde hypothèse, cette continuité des pratiques résulterait d’un apprentissage progressif du collectif et du départ, par les parents et les enfants.

Les résultats de l’enquête conduite en 2014 auprès d’un échantillon de 900 familles représentatives des usagers des accueils collectifs de mineurs montrent que ces parcours, quelles que soient les pratiques associées, résultent d’intentions éducatives explicites pour une minorité de parents.

 

Pour la majorité des familles, ils se construisent au gré des opportunités, souvent dans la continuité de l’offre de la collectivité locale, ou à partir de celle du comité d’entreprise.

 

Parmi les parents interrogés dans le cadre de la phase exploratoire d’entretiens, le père de Gaspard[17] souligne le rôle majeur du prescripteur, ici le comité d’entreprise, dans la mise en œuvre de son projet. Il souhaitait faire vivre à ses enfants l’expérience des colos, expérience qu’il a lui-même fortement apprécié quand il était enfant. Mais ce projet serait resté à l’état de spéculation sans la « proposition » du comité d’entreprise.

 

« Quand vous avez un comité d’entreprise qui paye plus des deux tiers de la colo, c’est quand même pas négligeable. Donc c’est l’opportunité. Avant on s’est toujours débrouillés autrement, pour prendre des vacances décalées, pour les envoyer chez les grands-parents ou chez les copains. Là effectivement, le fait d’avoir une offre intéressante de colonie de vacances qui en gros, ne demande quasiment aucun effort aux parents, si ce n’est de se tenir au courant auprès du comité d’entreprise, c’est quand même une facilité de prise de décision, d’organisation. Et puis après j’ai demandé à mes collègues de travail qui m’ont dit « oui c’est super ». C’est aussi l’avantage des comités d’entreprise, c’est qu’il y a une histoire avec les organismes et en général vous savez pourquoi ils ont été sollicités. Il y a une espèce de confiance qui s’établit » (Famille C., juriste et graphiste, milieu urbain, trois enfants, Gaspard 12 ans.)

 

L’information est un des leviers majeurs du projet de départ. Un tiers des familles mentionnent des informations, des conseils quand on les interroge sur ce qui a suscité l’idée de faire partir leur enfant en colo la première fois. Ces informations ou conseils provenaient principalement de la mairie[18], d’un comité d’entreprise[19] ou de l’entourage des parents (amis, voisins, famille, collègues[20]). Les autres acteurs, associations, CAF, école ou enseignants, animateurs ou éducateurs sont très peu nommés[21]. De même, les références des parents à la presse, aux média audio-visuels ou à internet sont marginales à cette étape [22].

La relation à un prescripteur institutionnel, mairie ou comité d’entreprise) ou à des personnes proches ayant une expérience des colonies s’avère centrale dans le processus de prise de décision des familles. Ce résultat souligne également l’importance pour les parents de prendre appui sur une relation de confiance. La confiance en l’organisateur occupe en effet une place importante dans leurs motivations à faire partir leur enfant[23].

 

Quand il n’y a pas cette confiance, les parcours s’interrompent.

 

En effet, près de la moitié de ceux qui ont fréquenté les accueils collectifs depuis leur petite enfance (crèche ou halte-garderie, puis centre de loisirs) ne partent pas en colo. C’est principalement l’image des séjours, souvent liée pour les parents à leur propre expérience négative, qui fait obstacle.

 

A l’inverse, la perception progressive des apports du collectif favorise ces parcours.

 

Perception progressive des apports du collectif pour les parents et apprentissage du lien social pour les enfants

 

La fréquentation de la halte-garderie ou de la crèche par leur enfant développe en effet chez les parents des attentes plus fortes[24] à l’égard des centres de loisirs concernant  trois aspects :

 

  • les activités proposées, qu’elles soient généralistes ou spécifiques,

 

  • la dimension ludique,

 

  • la socialisation, dans une acception ouverte à la mixité sociale et favorisant le développement des relations amicales.

 

Cette progression est particulièrement mise en évidence si l’on s’intéresse aux usagers des modes de garde collectifs, halte-garderie ou crèche, qui n’avaient pas choisi ce type d’accueil dans un objectif de socialisation de leur enfant[25] mais plutôt pour des raisons d’organisation. C’est bien la pratique qui développe cette perception, et non pas les choix éducatifs de départ.

 

Quant au départ en mini-camp, première expérience de départ, il suscite effectivement des motivations plus fortes concernant la mobilité et la découverte de nouveaux territoires.

 

Enfin, l’expérience du centre de loisirs développe plus spécifiquement chez les parents un intérêt plus important pour :

 

  • la fonction de garde et d’accès au départ[26]  des séjours,

 

  • le développement de l’autonomie et l’apprentissage de la mobilité,

 

  • la socialisation, dans une conception générale d’apprentissage du vivre ensemble,

 

  • la confiance en l’organisateur de séjour.

 

La continuité des pratiques favorise ainsi l’intérêt des parents pour les apports éducatifs du collectif, ils expriment ainsi une attention plus forte pour le projet éducatif, quel que soit le type d’accueil. Ces parcours développent également un intérêt plus marqué des parents pour l’impact du départ en colonie sur l’autonomie de leur enfant.

 

On peut faire l’hypothèse que l’expérience du collectif[27] de leur point de vue, a favorisé cette autonomie, permettant et suscitant le départ de l’enfant, dans une relation de confiance avec l’organisateur à l’instar de celle vécue avec le centre de loisirs.

 

Chez les jeunes, la fréquentation de la crèche suscite des motivations plus fortes pour le centre de loisirs comme lieu de sociabilité amicale, et l’expérience du centre de loisirs développe leur désir de partir en colo pour faire de nouvelles rencontres et voyager. Cette expérience, contribuant à l’apprentissage de la relation à d’autres, proches dans un premier temps, permettrait ainsi à ces jeunes de se projeter ensuite plus facilement vers l’inconnu.

 

Cet apprentissage du lien social se confirme séjour après séjour. Lors de leur premier séjour, un tiers des jeunes souhaitait partir en colo pour rencontrer d’autres jeunes, cette proportion atteint près de 50 % pour le séjour suivant.

 

Les résultats observés d’une part chez les parents et d’autre part chez les jeunes révèlent l’impact de ces parcours éducatifs, d’un accueil collectif à l’autre, dans le développement des enfants et des adolescents et dans leur souhait de poursuivre ces pratiques.

 

Ce souhait est un moteur essentiel du départ en colo, pour l’enfant lui-même mais également pour les parents, au même niveau que l’information émanant des prescripteurs ou des proches. Quand on les interroge sur ce qui a suscité l’idée du premier départ en colo, un tiers des parents cite la demande de leur enfant. Celle-ci se construit dans la relation avec ses parents mais également et fortement, dans sa relation avec ses camarades. Partir avec ses amis est pour nombre de jeunes une condition indispensable au premier départ[28] et la crainte de « ne connaître personne » un frein majeur pour ceux qui étaient réticents à partir[29].

Pour les parents, la sociabilité amicale est plus secondaire, leurs attentes portent davantage sur la socialisation de leur enfant, l’apprentissage de la vie avec les autres ; mais l’enquête conduite en 2014 montrent que les parents ne donnent pas tous le même contenu à cet apprentissage.

 

Apprendre à vivre avec les autres : une diversité de conceptions parentales

 

Trois quarts des parents répondent avoir inscrit leur enfant au centre de loisirs (graphique 1) « pour qu’il apprenne à vivre avec d’autres », cette proportion atteint 83 % pour le départ en colonie (graphique 2). C’est la première des motivations explicitement éducative pour chacun de ces types d’accueils.

En revanche, la mixité sociale ne constitue pas une attente majeure. Elle est relevée par seulement 44 % des parents pour le centre de loisirs et 49 % d’entre eux pour le départ en colo.

Il n’y a d’ailleurs pas de raison qu’elle le soit davantage pour les ACM que pour l’ensemble de la société. Selon l’étude conduite par Jean Yves Authier et Sonia Lehmann-Frisch[30] dans des quartiers des quartiers gentrifiés de Paris et San Francisco, habiter dans ces quartiers constitue pour certains parents un choix éducatif, mais celui-ci inégalement prioritaire et avec des significations différentes. Mais nombre d’entre eux vivent ce lieu de résidence comme le résultat insatisfaisant d’un arbitrage sous contraintes. L’enquête conduite par l’Ovlej permet d’évaluer l’importance respective de ces attitudes.

Inégalement présent ou prioritaire chez les parents, l’enjeu éducatif que représente la mixité des publics peut également prendre des significations diverses. En effet, le rôle attribué à la diversité ou aux relations amicales dans la socialisation de leur enfant varie selon les familles, donnant ainsi à cette notion des contenus différents. Trois propositions distinguent en effet les parents selon leur attitude à l’égard de chacune d’entre elles : « pour qu’il côtoie des enfants de milieux sociaux et culturels différents », « pour qu’il apprenne à vivre avec d’autres », « pour qu’il se fasse de nouveaux amis ».

La typologie réalisée distingue des groupes de parents selon leurs réponses à ces propositions[31]. Chacun de ces groupes incarne une conception spécifique du mode de socialisation attendu au centre de loisirs ou en colonie de vacances (schéma 1).

La moitié des parents exprime une attitude positive à l’égard de la mixité sociale. Parmi eux, le premier groupe (profil type 1), considère que le centre de loisirs, la colo offre à leur enfant une expérience de socialisation ouverte à la différence et incarnée dans des relations amicales. Ainsi le père de Marielle[32] explique : » Déjà, elle voyait d’autres enfants que ceux de l’école. C’est bien. C’était des enfants certainement plus… C’est pareil pour les colonies de vacances, de milieux socialement plus défavorisés. On trouvait ça bien qu’elle voie d’autres enfants, qu’elle fasse avec, qu’elle arrive à jouer avec eux, à avoir des relations avec eux ». (Famille D., au foyer et dessinateur, milieu urbain, un enfant, Marielle 13 ans.)

Ce groupe est à la fois sensible aux apports et aux difficultés de la diversité. Il se caractérise par une forte présence de membres de professions indépendantes et d’ouvriers.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Graphique 2 : Pour quelles raisons avez-vous inscrit votre enfant en colonie de vacances ?
Graphique 1 : Pour quelles raisons avez-vous inscrit votre enfant au centre de loisirs ?

 

 

 

 

 

 

Schéma 1 : Modes de socialisation attendus par les parents en centre de loisirs ou colonie de vacances

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour deux autres groupes, plus minoritaires (profils type 1 bis et profil type 1 ter) l’intérêt pour la mixité sociale est théorique et s’exprime sur le mode de l’observation et de la confrontation. Dans leur étude sur les quartiers gentrifiés, Authier et Lehman-Fresh notaient également que pour certains parents, exposer ses enfants à la mixité répond à un objectif de connaissance de la société et de sa place au sein de celle-ci. C’est ce qu’explique le père de Gaspard.

« Je tiens à ce que mes enfants partagent la même chose avec tous les autres enfants que ce qu’ils peuvent partager avec un petit voisin, pour moi ça ne fait pas différence. C’est plutôt une richesse parce que il y a un échange de culture, de comprendre ce que certains ont, ce que d’autres n’ont pas. La vie en général, c’est bien d’être confronté à des choses un peu différentes. Qu’est-ce que ça apporte ? Ça apporte de relativiser par exemple, de se dire qu’on n’est pas si malheureux que ça, de se rendre compte qu’on est gâté de temps en temps, qu’on a de la chance, qu’on habite un grand appartement que ce n’est pas le cas de tout le monde, plein de choses comme ça qui font que la confrontation avec d’autres enfants peut aider à relativiser. Certains parents pensent que ça peut être compliqué, parce qu’il y a des enfants qui ont des problèmes de comportement, que ça peut être difficile pour leur enfant, qu’en pensez-vous ? Si on n’apprend pas à gérer les comportements des autres, d’autres que les siens dans son enfance, après on est confronté à quoi ? » (Famille C., juriste et graphiste, milieu urbain, trois enfants, Gaspard 12 ans.)

Cette attitude est plus fréquente parmi les cadres, ou les familles disposant de revenus faibles à moyens.

L’autre moitié des parents se situe plus en retrait par rapport à la mixité sociale. Un quart des familles attend que le centre de loisirs ou la colo contribuent à la socialisation de leur enfant à travers la vie collective et es relations amicales nouées dans ce cadre, mais ils souhaitent que ces relations, cette expérience de la relation aux autres reste dans l’entre soi (profil type 2). Cette attitude est partagée par une diversité de catégories sociales mais les cadres sont plus nombreux qu’en moyenne à y adhérer. A situation économique comparable, elle est plus fréquente chez les habitants des grandes agglomérations ou à l’opposé des communes rurales. Ces parents se caractérisent pourtant par un intérêt marqué pour le collectif qui ne s’accompagne pas d’un intérêt pour la diversité mais au contraire d’une attitude de défiance. Celle-ci peut conduire à des stratégies d’évitement, comme celle mise en œuvre par la mère de Louis.

« Je suis une partisane du collectif, c’est une manière de se frotter à la vie en collectivité. On est pas tout seul, on doit vivre avec les autres. (…) Le collectif c’est d’abord quoi ? Rencontrer des gens différents ? Des gens différents non, mais faire des choses en commun » (..) Je trouve qu’on se débrouille mieux quand on est dans le collectif, ça dessale. (…) il y en a qui sont pris en charge intégralement par les services sociaux, par les bons vacances. Ce qui fait qu’on arrive à avoir des participants un peu… Je ne vais pas dire qu’ils sont tous borderline, mais qui arrivent de services sociaux, et qui sont parfois un peu déjantés. Ça fait une espèce de mix qui pourrait gêner certains parents. Moi, ça m’a gêné après (le téléphone sonne, interruption de l’entretien). Moi ça ne me dérange pas, mais après, si vous voulez, on n’a peut-être pas envie de ce problème-là pour ses enfants l’été. (…) Moi je n’ai jamais rien signalé mais j’ai constaté, et j’ai changé d’organisme. (…) On payait selon son coefficient, donc les gens avaient des bons vacances et d’autres pas, c’était le jour et la nuit avec ces gens-là. Donc là vous avez la mixité. Mais quand vous allez genre X, des choses comme ça, un peu plus sportives (…) je pense qu’ils n’acceptent pas les bons vacances. Donc là c’est très clair qu’il n’y a pas de mixité sociale, c’est cher. Plus vous avez des activités intéressantes, plus vous avez besoin d’expertise autour d’une activité, plus c’était cher. «  (Famille L., chef d’entreprise et chef de chantier, milieu urbain, trois enfants, Louis 17 ans.)

Les deux groupes suivants (profils type 2bis et type 2 ter) valorisent l’entre soi comme le précédent, avec un intérêt plus marqué pour le collectif pour le premier ou pour la sociabilité amicale pour le second.

Le dernier groupe (21 % des usagers du centre de loisirs, 5 % pour les colos, profil type 3) n’exprime pas d’intérêt particulier pour la socialisation de leur enfant dans le cadre de ces accueils, ni d’attentes éducatives plus générales. Ces parents sont en effet centrés sur la fonction de garde pour le centre de loisirs et le départ en colo a lieu à la demande de l’enfant.

 

On note une continuité d’attitude des parents qu’il s’agisse du centre de loisirs ou de la colo.

 

Mais on observe des décalages qui renvoient aux fonctions spécifiques que les parents attribuent à chacun de ces accueils :

  • Près de 40 % des usagers n’exprimant aucune attente en termes de socialisation, de relations amicales ou de mixité sociale à l’égard du centre de loisirs, souhaitent que leur enfant parte en colonie notamment pour « apprendre à vivre avec d’autres enfants » et près de 20 % également pour qu’il côtoie des enfants d’origines et milieux divers. Alors que le centre de loisirs avait essentiellement pour eux une fonction de garde, la colonie prend d’autres significations.
  • De même, un quart des parents valorisant une socialisation entre soi au centre de loisirs exprime des attentes en termes de mixité sociale pour le séjour collectif de leur enfant. Le séjour en colonie constitue une ouverture vers d’autres rencontres.
  • Mais à l’inverse, plus de 27 % des usagers exprimant des attentes concernant la mixité sociale en centre de loisirs (profils types 1) n’adhèrent pas à cette proposition pour le séjour en colonie. Le départ de l’enfant dans un autre cadre que le contexte quotidien, connu, où l’enfant peut être amené à rencontrer une plus grande diversité de populations peut susciter des craintes chez certains parents.

 

Une ouverture sur l’extérieur pour les jeunes

La diversité sociale est spontanément peu évoquée par les jeunes au cours des entretiens. Quand on leur pose la question dans le cadre de l’enquête par questionnaire, un quart des jeunes répond que cette question n’a pas d’importance pour eux, 71 % répondent qu’ils apprécient la diversité en colonie, 77 % au centre de loisirs. Les adolescents se montrent donc plus positifs que leurs parents.

Quand on les interroge sur les raisons pour lesquelles ils apprécient la diversité (graphique 3), leur première réponse spontanée est qu’ils découvrent ainsi d’autres façons de penser, de vivre, puis que ce n’est pas un sujet pour eux.

 

Graphique 3 : Pourquoi ces différences de milieux sociaux et culturels te plaisent ?

Réponses spontanées à une question ouverte

 

 

La diversité renvoie davantage pour eux à des styles de personnalités, à un large éventail de caractéristiques (rural/urbain, accents régionaux..etc) qu’à des catégories sociales ou des origines culturelles différentes. Dans les entretiens, il l’associe au handicap ou à une enfance en souffrance, en raison de maltraitance ou de situations de grande précarité. Ils laissent entendre que la colo offre un cadre particulier pour ces rencontres. Cela reste à analyser plus avant, en s’intéressant particulièrement à la manière dont les relations se nouent dans le cadre des séjours, et avec qui. Il y aurait à analyser la manière dont, comme le dit Flore (13 ans), ils sont entrés en « collaboration ».

« Aller en colo, ça permet de connaître du monde, d’apprendre de nouvelles choses… Apprendre à connaître des gens même si je les aimais pas forcément. II y a toujours des gens qu’on n’aime pas trop quand on est en collaboration, mais c’est bien d’être avec des gens qu’on voit pas en général. » (Famille B., assistante maternelle et ouvrier, milieu rural, deux enfants, Flore 13 ans.)

La diversité, perçue par certains parents, comme potentiellement néfaste, représente pour les jeunes une ouverture vers l’extérieur, riche d’apprentissages.

 

Quelques pistes en guise de conclusion

Pour terminer, je voudrais souligner quelques éléments clés qui ressortent des résultats de nos enquêtes :

  • L’importance de la demande de l’enfant, de l’adolescent en relation avec ses pairs ;
  • L’apprentissage progressif du collectif au fur et à mesure des expériences, pour les enfants mais également pour les parents ;
  • L’expérience du centre de loisirs développe une perception du collectif comme lieu de socialisation amicale, les activités étant support de cette socialisation ;
  • La colonie, c’est pour les adolescents, partir entre soi, avec ses camarades pour rencontrer les autres.

 

J’espère que ces éléments vous donneront matière à penser et à agir, penser pour agir vite, car à mon sens, pour observer le champ depuis 15 ans, il y a urgence. Car il me semble que nous sommes à une croisée de chemins. L’un pourrait être de permettre à tous les enfants et les jeunes de vivre ces expériences et parcours qu’ils jugent très riches. Quand on demande à Flore ce que lui a appris la colo, elle répond « ça m’a appris tellement de choses que ça va être un peu long ». L’autre chemin pourrait être de laisser se développer cette tendance à la fragmentation qui fait que peu à peu les enfants qui ne partent pas en vacances auront la possibilité de séjours courts, proches de chez eux, et les autres auront accès à des voyages, notamment à l’étranger. Cédric Javault, fondateur et directeur général de Telligo, interviewé cet été par la Tribune dit : « la mixité sociale c’est du pipeau ».

 

Dans les résultats que je vous ai présentés, au travers de vos expériences, vous avez sans doute relevé des pistes de travail. Je vais m’autoriser à vous en proposer quelques-unes :

  1. Développer les passerelles entre les partenaires, prescripteurs, CAF, et également les travailleurs sociaux, l’ensemble des acteurs éducatifs,
  2. Développer le maillage territorial entre les acteurs,

Pour développer les opportunités offertes aux familles, au plus près de leur cadre de vie, et l’information.

  1. Développer une communication en direction des enfants et des adolescents et construites avec eux ;
  2. Réactualiser, moderniser l’image des colos auprès du grand public.
  3. Développer, inventer d’autres pratiques. Aujourd’hui, dans un contexte de désynchronisation des temps sociaux, on valorise les vacances en famille, avec la nécessité de temps pour se retrouver. Mais on part ensemble pour faire ce que chacun souhaite faire (Viard 2015). Une piste pourrait être d’être présent sur les lieux de vacances en famille, pour proposer des premiers départs, pour des durées très courtes.

 

Je vous remercie de votre attention et vous propose d’échanger à partir de ces résultats, ces quelques propositions.

 

 

 

 

 

 

 

[1] Les travaux de l’Ovlej sont en accès libre sur son site : www.ovlej.fr.

[2] Viard J., 2004, Les temps libérés, Journées d’études organisées par les CEMÉA.

[3] Viard J., 2015, Le triomphe d’une utopie, Vacances, loisirs, voyages, la révolution des temps libres, L’Aube.

[4] Urbain J.D., 2011, L’envie du monde, Bréal.

[5] L’enquête SDT et celle du Crédoc n’utilisent la même définition du départ en vacances. Pour le SDT, c’est un déplacement pour un motif personnel, autre que professionnel. Le Crédoc interroge le point de vue des personnes, ce qu’elles pensent être des vacances

[6] Hoibian S., Muller J., Vacances 2014 : l’éclaircie, Crédoc, Janvier 2015. Voir aussi Gitton F.P., « Les Français préservent leur capacité de départ », Le 4 pages de la DGE, n°40, décembre 2014.

[7] Pronovost G., 2014, « Sociologie du loisir, sociologie du temps », Temporalités, n°20. http://temporalites.revues.org/2863

[8] Sautory O., Zilloniz S., De l’organisation des journées à l’organisation de la semaine : des rythmes de travail socialement différenciés, Economie et statistique, n°478-479-480, pp. 155-

[9] Hoiban S., 2009, Avec la crise la recherche de vacances économes se développe, Crédoc, DGCIS. Hoiban S., 2010, Vacances 2010 : les contraintes financières favorisent de nouveaux arbitrages, Crédoc, DGCIS. Hoiban S., 2012, « Les Français se sentent intégrés dans une société qu’ils jugent pourtant fragmentée », Note de synthèse, n°5.

[10] Ovlej, 2013, « Le départ en vacances des enfants et des adolescents aujourd’hui : progression des inégalités et resserrement autour de la famille », Bulletin n°41, mars. Ovlej, « Les colos aujourd’hui : un modèle de vacances socialement partagé qui perdure et se transforme », Bulletin n°42, juillet. Monforte I., 2013, Quelles vacances pour les enfants et les adolescents aujourd’hui ?, Ovlej, Dossier d’étude n° 163, mai, CNAF.

[11] Hoiban S., (2012), Les catégories défavorisées, de plus en plus sur le bord de la route des vacances, Note de synthèse, Crédoc, juillet. Mémento du Tourisme, édition 2012, ministère de l’artisanat, du commerce et du tourisme.

[12] Baromètre de la pauvreté, IPSOS/Secours populaire, 2012.

[13] Guillaudeux V., Philip F., (2012), « L’accompagnement social des familles dans l’accès aux vacances : éléments d’évaluation », L’e-ssentiel, n°128, CNAF.

[14] Cette notion est très large. Au vu des caractéristiques de notre population ayant au moins un enfant mineur, nous rejoignons les résultats de l’étude conduite par le Crédoc en 2009 qui situe un revenu compris entre 2 300 € et 3 490 € avant un impôt pour un couple avec deux enfants de moins de 14 ans dans les « classes moyennes inférieures » (R. Bigot, Classes moyennes et inégalités de conditions de vie, Séminaire inégalités, INSEE, 2009). En 2009, selon l’INSEE le revenu moyen disponible des couples avec deux enfants s’élevait à 4 190 € mensuels et à l’opposé celui des familles monoparentales à 2 200 € par mois.

[15] Ovlej, 2015, « Centres de loisirs, mini-camps, colonies : choix et expériences du collectif », Bulletin n°44, Avril.

[16]Octobre S., Berthommier N., 2011, « L’enfance des loisirs, Éléments de synthèse », Culture études, Univers culturels et transmission, Ministère de la culture et de la communication, n°6. PUBLIQUES ET RÉGULATIONS

[17] Les prénoms ont été modifiés pour des raisons de confidentialité.

[18] Pour 28 % des familles parmi celles ayant répondu que l’idée du premier départ en colonie de leur enfant avait été suscitée par une information ou le conseil d’une personne.

[19] Pour 27 % d’entre elles.

[20] Pour 22 % d’entre elles.

[21] L’information venant des associations est citée par 6 % de ces familles, 4 % font référence à des éducateurs, 2 % aux CAF, 2 % à l’école ou à des enseignants, 2 % à des animateurs.

[22] Parmi les familles ayant répondu que l’idée du premier départ en colonie de leur enfant avait été suscitée par une information, 5 % citent internet et moins de 1 % différents média.

[23] Parmi les 18 items proposés aux parents pour caractériser les raisons pour lesquelles ils ont inscrit leur enfant en colonie, « Vous aviez confiance en l’organisateur du séjour » est placé au 5ème rang.

[24] Indépendamment des caractéristiques des familles, selon les résultats de régressions logistiques réalisées sur les motivations des parents selon leurs caractéristiques et l’usage ou non des différents types d’accueils collectifs par leur enfant.

[25] Soit 13 % des usagers des haltes garderies et 10 % des usagers des crèches, le plus souvent motivé par la socialisation précoce de l’enfant (pour 87 % des premiers et 90 % des seconds).

[26] Pour 85 % des familles pour lesquelles c’est le besoin de garde qui initie le projet de premier départ en colonie, leur enfant a fréquenté le centre de loisirs.

[27] L’impact de l’expérience du centre de loisirs varie selon les conceptions éducatives des parents, elle va d’autant plus favoriser le départ en colonie que le mode de garde dans la petite enfance avait été motivé non pas par la relation parents/enfant mais par la qualité de vie de ce dernier.

[28] 38 % répondent qu’ils sont partis avec des jeunes qu’ils connaissaient et que c’était important pour 79 % d’entre eux (très important pour 43 %). Les deux tiers avaient échangé avec leurs amis avant le départ. Quand c’est la demande du jeune qui a suscité le projet de départ en colonie (selon les parents), 86 % des jeunes avaient organisé le départ commun avec leurs camarades.

[29] Pour 54 % d’entre eux, le premier obstacle étant la séparation avec les parents, citée par 70 % de ceux qui n’avaient pas envie de partir la première fois.

[30] Authier J.Y., Lehman-Frisch S., 2014, « Confronter ses enfants à la mixité, Discours et pratiques des parents de classes moyennes supérieures dans deux quartiers gentrifiées de Paris et San Francisco », Politiques sociales et familiales, n°117, septembre, pp.59-70.

[31] Les propositions évoquant les relations amicales existantes « pour qu’il vive des vacances avec ses amis » ou « pour qu’il retrouve ses amis en dehors de l’école » ne distinguent pas des groupes de parents.

[32] Extrait d’entretiens réalisés dans le cadre de la dernière enquête de l’Ovlej, voir les bulletins n° 44 et 45 à télécharger sur www.ovlej.fr. Les prénoms ont été modifiés pour des raisons de confidentialité.

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Monsieur le Président des CEMEA France, Cher André Sirota

Monsieur Daniel Filâtre, Recteur des Académies,

Monsieur le Directeur général, cher Jean-Luc Cazaillon

et à travers vous, au-delà de vous, Chers amis, vous tous qui vous êtes réunis à Grenoble pendant ces cinq journées pour vous rencontrer, vous faire part mutuellement de vos découvertes, pour partager vos manières d’agir et de penser l’éducation nouvelle.

Au nom de la FICEMEA (Fédération internationale des Ceméa) , je vous remercie vivement de l’invitation que vous nous avez lancée, – oserais-je dire naturellement ?-, de participer à vos travaux.

C’est pour nous un signe supplémentaire et permanent de l’importance des intérêts que vous confiez à la FICEMEA, cette association internationale qui est aussi la vôtre.

Il y a quelques trois années, on a souhaité relancer l’action de la Fédération Internationale des CEMEA. Aujourd’hui, à l’occasion de cet important congrès, une excellente occasion se présente de faire le point sur le travail accompli.

Association affinitaire, la FICEMEA est une organisation internationale qui veut réellement transcrire et mettre en mouvement les enjeux des associations nationales. Ses objectifs de travail sont liés à la valorisation de l’action des associations qui se revendiquent des valeurs et méthodes de l’Education nouvelle et sont reconnues comme telles.

La FICEMEA est comme le lie géométrique des buts poursuivis par nos membres, de par le monde ; elle veut en être la caisse de résonnance et travailler à l’amplification des propositions pour une éducation formelle et non formelle, centrée sur les êtres humains et leur émancipation individuelle et collective.

Si la refondation de la FICEMEA est financièrement portée aujourd’hui par les      CEMEA France, la Fédération italienne des CEMEA et les CEMEA de la Fédération Wallonie-Bruxelles, en Belgique, son action est réellement menée par les associations membres réparties en quatre commissions régionales qui couvrent : l’Afrique, l’Amérique latine, l’Océan Indien et l’Europe.

L’organisation d’un important séminaire, en novembre 2014, en Belgique, a permis à la FICEMEA de rassembler les analyses, les réflexions et les propositions d’actions stratégiques de ses membres en vue de contrer « les mécanismes et les conséquences de la marchandisation de l’éducation », en prenant en compte « les rôles et responsabilités des Etats  et de la société civile».

Vous aurez sans doute découvert, dans vos pérégrinations de cette semaine, les actes de ce séminaire international de la FICEMEA. Sinon, nous les tenons à votre disposition.

Ce séminaire a été suivi par quelques vingt–quatre associations membres, venues des quatre zones de l’association.

La production intellectuelle, de contenus de référence et de propositions d’actions, qui y a été réalisée sert notre visibilité en tant qu’acteurs de la société civile, auprès de nos partenaires et des organisations gouvernementales. Nous en avons tiré parti notamment à l’occasion du Forum Mondial de l’Education, organisé par l’UNESCO en mai dernier, en Corée ou lors du Forum social mondial, organisé en avril à Tunis. Notre déléguée générale, Sonia CHEBBI nous y a activement représentés. A Tunis, les Amis du Belvédère, les CEMEA France et la Fédération italienne des CEMEA étaient également présents. Je les en remercie.

Notre déléguée générale remplit ainsi, au nom de l’asociation, une des tâches de la FICEMEA : porter à l’extérieur de nos organisations membres, au niveau international, les axes politiques communs que nous définissons, nos valeurs partagées et nos prises de positions collectives.

Une importante union de résistance est plus que jamais nécessaire face à la marchandisation des services d’éducation à laquelle nous assistons aujourd’hui, avec son cortège de postulats pragmatiques orientés vers le profit économique.

Nous devons résister face à la négation des fondements mêmes de l’éducation qui, étymologiquement, signifie quand même : conduire au-delà, conduire l’homme et le petit d’homme au-delà de lui-même…

Un autre aspect important du travail qui vient d’être réalisé par les membres de la FICEMEA, c’est sa refondation institutionnelle. Ce processus a permis :

– de favoriser une reprise des contacts et des échanges directs entre les membres ;

– de réactiver les aspects affinitaires en renforçant le sentiment d’appartenance, en mettant en place une dynamique relationnelle que nous voulons investir fortement.

-De clarifier la vie associative et institutionnelle de la FICEMEA en étant attentifs à sa lisibilité et en visant l’organisation d’une réelle démocratie interne.

Nous sommes aussi très vigilants à la « nature » des relations entre les membres, caractérisée par davantage de solidarité dans les rapports égalitaires, par la reconnaissance des spécificités diverses de ses membres.

Une de nos préoccupations aujourd’hui et demain est d’assurer la pérennisation de la FICEMEA. Je suis confiante dans les nouvelles bases jetées par l’équipe du Conseil d’Administration et par l’Assemblée générale, bases institutionnelles, téléologiques, stratégiques et tactiques. J’en profite cependant pour signaler que cette préoccupation couvre aussi les aspects financiers de la vie de la FICEMEA !

Notre travail vise à faciliter les relations entre les acteurs des CEMEA et de l’Education nouvelle, pas à les supplanter.

Il se nourrira de la coopération réelle de partenaires critiques et responsables, qui osent mettre sur la table différences et points de convergence, situations objectives et désirs de les améliorer, qui chercheront à faire valoir au niveau international des positions et des propositions communes.

J’espère que la FICEMEA pourra démontrer, résultats à l’appui, l’importance d’une collaboration, positive et sans complaisance, entres des acteurs de la société civile engagés pour l’éducation de tous et les Etats.

Puisse notre fédération internationale être un relais actif et gagnant des projets et des idées que vous nourrissez, dans un creuset international qui ne demande qu’à s’enrichir de la force de chaque mouvement partenaire, de chaque région de regroupement et des idées humanistes qui nous animent tous.

Je vous remercie de votre attention.

Voir les actes du séminaire international

 

 

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Une intervention mobilisatrice du directeur général, à la clôture du Congrès ! https://test.cemea.asso.fr/interventions-reperes-et-reflexions/2015/08/une-intervention-mobilisatrice-du-directeur-general-a-la-cloture-du-congres/ https://test.cemea.asso.fr/interventions-reperes-et-reflexions/2015/08/une-intervention-mobilisatrice-du-directeur-general-a-la-cloture-du-congres/#comments Sun, 23 Aug 2015 07:53:36 +0000 http://congres2015.cemea.asso.fr/?p=3783 Madame la Présidente de la FICEMEA, Monsieur mon Président, Monsieur le recteur de Grenoble, représentant Madame la Ministre de l’Education ... Lire la suite ›

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cazaillon

Madame la Présidente de la FICEMEA, Monsieur mon Président, Monsieur le recteur de Grenoble, représentant Madame la Ministre de l’Education Nationale, Mesdames Messieurs amis et partenaires, Chers Amis, militantes et militants,

[See image gallery at test.cemea.asso.fr]

Nous arrivons au terme de ce 11ème congrès qui a été un congrès d’analyses, de positionnements, de débats, d’échanges, de confrontations, d’agir… parfois d’indignation et de colère constructive, un congrès des CEMEA quoi …..

Avant de développer mon propos, je souhaite, en notre nom à toutes et à tous, remercier l’ensemble des invités qui nous ont fait l’honneur de participer à ce congrès. Remercier plus spécialement les personnalités présentes aujourd’hui, un dimanche, fin août, à Grenoble ! Sans être réellement un exploit, c’est assurément une attention à laquelle nous sommes sensibles, mais j’y reviendrai.

Vincent Chavaroche concluait ses propos d’ouverture en affirmant l’ambition de faire de ce congrès, un peu plus que pour les autres, un congrès du mouvement. Nous l’avions pensé comme tel, nous l’avions même rêvé comme tel ! Un congrès ouvert, accessible à toutes et à tous, engageant les militantes et les militants que nous sommes dans la construction des CEMEA de demain.

Il fallait pour cela créer un élan, engager des dynamiques, et nous placer dans une posture politique qui articule ce que nous serons demain en appui sur notre identité, sur ce qui fait sens commun, l’éducation nouvelle, avec les évolutions, les besoins des publics auxquels nous nous adressons. Nous avons, je le pense, réussi à créer cet élan, cette dynamique. Les apports, les débats, les 100 projets d’éducation nouvelle présentés ici, tout cela s’est inscrit dans le « faire mouvement ».

Depuis nos origines, agissant dans une perspective éducative et émancipatrice, nous affirmons notre volonté de contribuer à construire une société plus juste, plus solidaire, plus égalitaire. Cela situe naturellement notre action dans un courant de pensées de gauche sans que cela fasse référence à aucune appartenance partisane. Ce positionnement philosophique inscrit « dans les courants et les combats de la gauche laïque » nous l’avons de nouveau réaffirmé au congrès d’Amiens en 2005, Vincent l’a redit à l’ouverture de ce congrès.

Si ce positionnement est constant depuis maintenant plus de 40 ans, le monde a profondément changé et donc les fondements de ce positionnement aussi.

Les enjeux sont aujourd’hui, pour beaucoup, mondiaux. Nos valeurs humanistes et sociales, nos pratiques interculturelles, nos actions et nos relations internationales nous positionnent souvent aux côtés des mouvements altermondialistes et de tous ceux qui cherchent des alternatives au système capitaliste. Nous militons pour une économie aux services des besoins des hommes et non au service d’une machine à profits financiers mondiale qui ne fonctionne qu’au bénéfice de quelques uns. A l’inverse de la volonté dominante des forces politiques et économiques libérales qui veulent tout transformer en marchandise, nous luttons à notre niveau pour que l’éducation, la formation, la santé, l’information, la culture échappent aux lois du marché.

L’union européenne à travers ses institutions fait la part belle au libéralisme économique et s’inscrit pleinement dans la mondialisation que nous dénonçons. L’euro est aujourd’hui non pas cet instrument d’échange entre Européens, mais « un totem au nom duquel on peut sacrifier les peuples » (Christian Salmon Mediapart). Aujourd’hui soutenir le peuple grec et ses représentants c’est contribuer à l’émergence de cette Europe solidaire, sociale et politique absolument nécessaire. C’est agir en contre point face à l’extrême droite si séduisante aujourd’hui pour un grand nombre de jeunes et de moins jeunes. Comme nous l’avons défendu lors des élections européennes les CEMEA s’engagent pour construire cette Europe des peuples, s’impliquent dans l’organisation d’une société civile européenne visible et audible. Notre destin à tous est profondément lié à ce qui se passe aujourd’hui en Grèce et à l’issue du bras de fer engagé avec l’UE. Une autre Europe n’est pas un fantasme comme voudrait nous le faire croire des euroseptiques, c’est à nous de l’inventer, de la vouloir et de la faire vivre à travers le projet européen que nous portons.

Ces propos ne sont pas des propos de complaisance, tout cela ne nous pas extérieur. Nous sommes solidaires des camarades Grecs engagés au sein de la FICEMEA. Les CEMEA sont solidaires des camarades de Nouvelle Calédonie dans l’engagement qui est le leur pour construire leur pays, comme nous l’avons été quand nous avons accompagné et soutenu les processus de décolonisation. Tout cela fait partie de notre engagement et de notre histoire comme ce fut le cas en Algérie ainsi que cela nous a été présenté ici.

Enfin et cela nous concerne de plus près encore, au niveau de l’éducation et de la pédagogie là aussi, des mutations sont à l’œuvre. L’éducation progressiste, émancipatrice, les pédagogies innovantes alors en phase avec l’évolution de la société, servant souvent de référence dans le sens du progrès, se heurtent aujourd’hui à une contre offensive conservatrice et réactionnaire au niveau des valeurs comme au niveau des conceptions éducatives et pédagogiques. Nous le constatons en France mais aussi en Europe. La marchandisation de l’éducation porte en elle la fin d’une éducation émancipatrice.

Notre congrès, nous a confrontés de nouveau à certains enjeux sur lesquels nous devrons demain mieux travailler.

Nous avons redit ici avec force la nécessaire dimension Européenne et Internationale de notre projet. Dit autrement, nous avons réaffirmé la nécessité de renforcer, de développer à l’échelle de l’ensemble du réseau, dans toutes les associations territoriales, en mobilisant l’ensemble des secteurs ou des champs d’intervention, l’émergence de projets européens et internationaux. Soutenir et développer les liens avec nos partenaires, promouvoir la création de nouvelles plateformes et de réseau « amis » font parties des pistes que nous souhaitons explorer. Le développement, le déploiement accru de la FICEMEA s’inscrit dans cette perspective. Nous le savons, la mobilité de toutes et de tous favorise l’apprentissage et l’acquisition de compétences sociales et l’exercice de solidarités collectives. Elle permet l’expérience, souvent en appui sur des logiques de volontariat, du rapport à l’autre, au monde. Cela peut se vivre dans son territoire de proximité, dans son pays, autant que dans l’Europe et dans le Monde. Nous avons ici, redit l’importance du droit à une mobilité émancipatrice, pour construire une Europe ouverte sur le monde, par l’éducation interculturelle et les échanges entre citoyens. Mais nous avons associé mobilité et réciprocité. Donner et recevoir, permettre le départ comme nous nous ouvrons à l’accueil. C’est cela qu’il faut aujourd’hui renforcer ! Nous le ferons dans le cadre de notre propre projet mais nous le ferons aussi au sein des plates-formes et collectifs dans lesquels nous sommes investis comme Solidarité Laïque et SOLIDAR par exemple.

Nous le savons, en France, mais dans un débat qui mobilise aujourd’hui d’autres pays, la question de la Laïcité est devenue, redevenue centrale. Les CEMEA ont mis la laïcité au cœur de leurs principes. Elle est aussi un des piliers fondamentaux de notre société. Pourtant, depuis plusieurs années celle-ci est régulièrement fragilisée par ceux là même qui ont mission de la garantir. Pour ces raisons nous devons toujours militer pour que l’Etat et l’ensemble des pouvoirs publics respectent et fassent appliquer les principes qui fondent la laïcité :

  • Liberté de conscience,
  • Séparation des églises et de l’Etat,
  • Libre exercice de toutes les religions comme de ne pas en avoir,
  • Libre exercice de la pensée hors de toute référence à une religion
  • Respect des droits de l’Homme et des diversités culturelles.

Cela nécessite de combattre les fondamentalismes, les prosélytismes et les replis communautaires. Cela nécessite aussi à un autre niveau de lutter contre les conditionnements de la publicité, de certains médias et des marchés. Cela nécessite aussi de mettre en tension laïcité et citoyenneté. Au moment où certains découvrent « l’empowerment », où les questions de participations deviennent prédominantes dans le débat public, être la « nation arc en ciel » suppose que nous élaborions une pensée collective qui dise comment nous articulons démocratie, citoyenneté et laïcité. Mais ces exigences ne suffisent pas pour un mouvement d’Education car c’est au niveau des actions quotidiennes que nous rencontrons des attitudes revendicatrices et prosélytes qui mettent en difficulté les formateurs et les acteurs éducatifs. Cela pose la nécessité d’accompagner les militants sur le terrain et de construire des actions de formation sur ces questions. Pour cela il sera nécessaire de construire de nouvelles modalités d’animation de notre mouvement, d’ouvrir des espaces de débats permanents pour l’ensemble des militantes et des militants de notre mouvement.

Dans nos pratiques de formation et d’accompagnement, nous faisons référence à l’éducation nouvelle et à l’éducation populaire, qui, au travers de la dialectique individu/groupe, contribue à la construction du lien social. Nous devons donc agir pour que l’acte de formation participe de l’inscription des individus dans la société, et pour qu’il contribue à la régulation des rapports sociaux dans une perspective de cohésion sociale et de solidarité. Face aux risques d’instrumentalisation, nous devons réaffirmer la primauté du social et des solidarités sur la marchandisation du monde, de l’éducation et de la prévention sur la répression.

Cela commence par l’attention que nous portons à la place de la parole, à nos capacités d’écoute. Attentif à la parole entre nous, attentifs à la parole de l’Autre, ces enjeux se sont exprimés ici, et nous avons pu y compris en mesurer l’importance dans le quotidien de nos travaux. Nous avons vécu et partagé de merveilleux moments. Les témoignages portés par nos camarades de Nouvelle Calédonie sur la flèche faitière et de Guyane sur l’action avec les amérindiens ont démontré que nous pouvions faire, que nous savions faire. Il y a là pour nous, pour soutenir « l’exigence de qualité » mais aussi parce que la confiance en l’Autre se construit par la sollicitude et l’écoute, la nécessité de retrouver demain les moyens de mieux nous entraîner, de mieux nous former.

Poser les questions de l’attention à l’autre, de l’écoute et de la parole, c’est chercher à mieux considérer les publics que nous accueillons dans nos actions. Cette préoccupation n’est pas nouvelle. Mais ici, nous avons partagé la nécessité de mieux réfléchir, de mieux travailler la place des familles, de préciser ce que nous portons s’agissant de la « parentalité ». Nous avons des conceptions élaborées, appuyées sur l’expérience, et des ambitions, voire même des ressources. Mais sur le fond, nous éprouvons la nécessité de mieux travailler ces questions. Il faut étayer nos analyses, appréhender les mutations à l’œuvre aujourd’hui et revisiter, étoffer nos conceptions.

Considérer les publics, c’est aussi situer les cadres, les situations de la rencontre. Nous avons eu des échanges passionnants sur les actions à destination de personnes, jeunes ou moins jeunes, en milieu carcéral. Nous avons mesuré la nécessité de prolonger nos échanges de partager les expériences, de situer les enjeux pour un mouvement comme le nôtre.

Le projet associatif actuel, issu du congrès d’Aix en Provence le disait, mais le temps passe et le temps passe vite. Nous parlions alors de façon privilégiée des médias et des enjeux qui leurs sont liés. 5 ans après, en appui sur de nombreux projets, souvent exemplaires, nous portons et travaillons les enjeux du numérique. Sans rien abandonner de nos réflexions sur les médias, nous affirmons ici avec force la nécessité de mieux investir le numérique, de développer nos positionnements politiques, de renforcer l’appropriation collective des enjeux politiques qui y sont liés par l’évolution de nos propres pratiques et la mise en œuvre d’un plan de formation des militants sur ces questions.

C’est à nous qu’il revient aujourd’hui d’incarner ces enjeux, de faire nôtre ces combats. Il est de notre responsabilité collective de traduire au quotidien à travers nos postures, nos actes et nos actions ces ambitions militantes. C’est le sens des « 100 projets d’éducation nouvelle » que nous avons mis au débat entre nous. Penser le développement, porter le développement, c’est considérer que depuis plusieurs années les CEMEA ont inscrits leur activité dans une relation partenariale plus forte et plus articulée à certaines politiques locales. Comme l’indique les travaux issus de la recherche-action portée par Joëlle BORDET et Anne-Claire DEVOGE, « une diversité des formes de gestion s’est installée correspondant à la diversité des formes de production. D’autres formes de rétribution et de solidarité ont vu le jour. Ces évolutions méritent d’être étudiées en tant que telle mais il est aussi nécessaire de les penser dans une approche concertée du développement. »

Pour notre mouvement, l’un des enjeux réside dans nos capacités actuelles et futures à passer d’une dynamique du développement le plus souvent agi sous la pression économique à celle d’une évolution stratégique permettant de faire face aux évolutions générales de la société. Face à la complexité des enjeux actuels, au retrait parfois du dialogue avec les institutions, il existe pour les CEMEA, mais sans doute plus largement pour l’ensemble des mouvements militants un risque de retrait idéologique. Ainsi, les travaux que nous avons conduits ici à Grenoble, à partir de ces 100 projets s’inscrivent-ils dans la triple perspective de conjuguer le sens de notre projet, nos capacités à élaborer et mettre en œuvre des actions originales tout en les situant comme autant de réponses adaptées aux besoins des publics et des territoires.

De façon massive, le congrès a posé avec force la nécessité de s’appuyer certes sur nos propres compétences, mais aussi sur celles des autres. L’instauration et le développement de relations de partenariats, la recherche du sens commun avec le plus grand nombre sont conçus et affirmés comme des conditions indispensables au développement de notre mouvement. Qu’il s’agisse des organisateurs d’accueils collectifs de mineurs, des lieux de créations ou de diffusion culturelle, des festivals de culture associative non encore rattrapés par des préoccupations marchandes, des collectivités locales, nous posons comme l’une des orientations majeure de notre mouvement celle d’inscrire nos actions dans des cadres communs, des cadres qui associent, qui agrègent des compétences plurielles au service de projets partagés. Travailler « avec » ou travailler « pour » font partie des réflexions que nous avons partagées.

Nous nous sommes posé ces questions s’agissant des institutions notamment celles du système pénal, des DRAC, de l’Education Nationale et de nos relations avec l’Ecole. Mais nous avons inscrit nos réflexions dans un axe dynamique, positif. Oui c’est difficile, oui nous n’y arrivons pas toujours, mais c’est bien AVEC que nous voulons faire. A d’autres endroits, quand les affinités s’inscrivent jusque dans le partage des conceptions et des ambitions, alors nous parlons d’alliance ! Faire alliance avec celles et ceux qui se reconnaissent avec ce qui fait identité pour nous, l’Education Nouvelle, constitue aujourd’hui l’un des axes de notre projet.

Partager les compétences, c’est aussi maintenir au sein même des CEMEA notre capacité à nous former et donc à renforcer nos propres compétences. Le congrès pose cette ambition quand il dit vouloir soutenir et développer les groupes de recherche et de pratiques nationaux. Qu’il s’agisse du renforcement de nos réflexions sur l’alimentation et la gestion ; de la danse ; du théâtre ou encore des Activités physiques et sportives, nous posons le principe de créer ou de renforcer ces espaces d’Agir. Faisant cela nous renforcerons la place la vie pédagogique de notre mouvement comme l’un des axes prioritaire de notre projet. Il en est de même, pour les questions d’éducation au patrimoine, sur le jeu/les jeux, sur les pratiques culturelles et artistiques ainsi que sur les rapports entre « genre et égalité ». Certains focus ont par ailleurs révélé la nécessité de mettre au travail certains sujets sur lesquels nous n’avons que peu de référence collective : la prévention des conduites à risques, la maltraitance, la sanction, l’égalité homme-femme, en font partie.

Agir, produire et diffuser ! Quelques soient les modes utilisés, la diffusion de nos idées, reste un objectif essentiel. Publier, laisser une trace c’est donner à lire, à entendre, à voir nos pratiques et nos conceptions. Il faut mieux le faire et le faire davantage !

Et puis sans doute, étayer nos productions, actualiser nos références, c’est aussi nous renforcer nous-mêmes. Au côté de nouvelles dynamiques de recherches, de recherche-action, la formation des militantes et des militants doit s’appuyer sur l’appropriation de ce qui fait référence pour les CEMEA. La table ronde sur la psychothérapie institutionnelle, unanimement appréciée par celles et ceux d’entre nous qui y ont participé, témoigne de cela. Elle a resitué l’enjeu politique dans le contexte d’aujourd’hui, permis la réappropriation de références, et démontré ce que les CEMEA doivent à ces approches.

Notre mouvement s’est construit sur ces apports, sur ce que nous avons su développer en convergence tant dans le champ des loisirs, de l’école comme de la santé mentale. Notre mouvement dispose d’une richesse insoupçonnée et sans doute insuffisamment travaillée aujourd’hui quand il rassemble des enseignants, des animateurs, des éducateurs, des psy, des médecins, des travailleurs sociaux, des artistes etc. Il faut réveiller davantage cette diversité, mobiliser ces regards pluriels, ne pas abandonner, jamais, aucun de ces champs d’intervention.

Porter ensemble cette permanence de l’innovation, agir au quotidien pour « être toujours ce petit grain de sable » (E.Plenel), c’est militer de toutes nos forces pour passer d’une logique de constante adaptation à celle de l’anticipation, passer du rôle d’acteur à celui d’auteur. C’est revendiquer notre ancrage dans le champ de l’éducation populaire, mais c’est peut être avant tout prendre des risques ! Et nous faisons le pari de pouvoir les assumer ensemble ! « Centres d’Entraînement… » nous « ré-entraîner à » …. Accepter de prendre des risques, saluer l’effort quand certains ne reconnaissent que la seule réussite, promouvoir le « tâtonnement expérimental » qui permet aux inventions de se construire par l’expérience concrète pratique, vécue. Tel était le pari de ce congrès. Mais c’est aussi celui des mois à venir. Nous entraîner à prendre de la distance avec le quotidien, à penser l’environnement, à penser la place de nos actions dans leur adéquation aux besoins d’aujourd’hui, à imaginer et proposer comment nous pouvons mieux faire. Oser, tenter, essayer et réussir ! Si notre maison est celle de l’éducation populaire, nos ambitions et nos postures sont celles de l’éducation nouvelle !

Quand l’Education a pour ambition de contribuer à la formation de citoyens autonomes, d’éduquer à l’esprit critique pour ne pas accepter de fait le système dominant, alors elle devient subversive. « Mon objectif, ce n’est pas de construire la société de demain, c’est de montrer qu’elle ne doit pas ressembler à celle d’aujourd’hui » disait Albert Jacquard.

 

Mes chers camarades, ce congrès marque une étape importante dans la vie de notre mouvement. Pour faire de cette étape une réussite, un levier, il nous faut conserver l’énergie, les ressources et les moyens « de rendre intelligible le présent et d’y mettre de la raison » (E.Plenel). Conserver « l’esprit FOCUS » comme l’on dit des participants de ce congrès, c’est faire de nos pratiques et de leur mutualisation le cœur d’un processus vertueux de développement, qui se fonde non pas sur le seul discours, mais sur les multiples traductions en actes de nos pensées. Les 100 projets présentés témoignent de notre façon à nous de « faire politique ». Ne nous y trompons pas, quand pour certains le discours suffit, pour nous c’est AGIR qui fait politique !

Renforcer la dimension du mouvement, mieux ancrer nos actions dans la cohérence politique de nos pratiques et de nos valeurs d’Education Nouvelle, y a-t-il plus beau projet que celui-ci ? Le seul pari qui vaille est celui de redonner vie, de redonner souffle à l’engagement militant de chacune et de chacun des camarades d’aujourd’hui, jeunes ou plus anciens dans leur histoire au sein des CEMEA, pour inscrire avec énergie et détermination les CEMEA de demain dans l’actualité de notre pays.

Réussir cela suppose de redire avec force que c’est en renforçant la dimension du mouvement que nous réussirons. Nous n’avons pas d’ambition autre que celle d’associer, d’embarquer avec nous le plus grand nombre d’acteurs de l’éducation. Alors, Il faut redire ici que la fonction d’animateur du mouvement portée et investie par des permanents et des non permanents en capacités d’imaginer puis de mettre en œuvre des logiques d’accueil et d’accompagnement de militantes et de militants est une fonction centrale, vitale pour les CEMEA. Il en est de même pour nos capacités à rendre réelle chez nous, au sein même de notre mouvement, une certaine mixité sociale qui fasse que demain, plus encore qu’aujourd’hui, nous soyons nous aussi des militantes et des militants « arc en ciel »

Au service de ces ambitions, mais plus globalement au service de la qualité pédagogique des actions conduites, la formation des militants reste une priorité de l’animation du mouvement et doit être renforcée et mieux organisée. Elle doit être pédagogique, éducative et politique car l’Education Nouvelle est politique, car agir en Education relève d’un engagement politique.

Mais nous savons aussi, que nous ne sommes pas seuls, que nous ne pouvons agir seul, que nous ne voulons pas agir seuls ! Dans le contexte politique d’hier, d’aujourd’hui et assurément de demain, il nous faudra donc renforcer alliances et partenariats. Notre action, construite en lien étroit avec la réalité, avec les réalités, nous engage auprès d’autres acteurs, auprès des commanditaires, auprès des publics. Mais nous sommes aussi mobilisés au sein de collectifs, nous avons construit de longue date des liens affinitaires avec d’autres acteurs du monde associatif. Nous devons renforcer ces liens, en tisser de nouveaux.

Nous devons accepter la difficile gestion de proximités politiques et d’engagements tout en assumant les tensions issues de nos développements respectifs. Ainsi, je souhaite le dire ici avec force devant nos camarades, nos partenaires et nos alliés, les CEMEA resteront demain engagés, loyaux, respectueux des choix collectifs. Face aux forces réactionnaires, face à une droite décomplexée et d’une extrême droite revigorée, nous devrons, mieux encore, serrer les rangs. Nous aurons besoin toutes et tous de faire front, de contribuer chacun de notre place à l’étayage d’un secteur associatif déjà malmené. En ce sens, ce que nous avons construit aujourd’hui, ensemble, avec les FRANCAS et la Ligue de l’enseignement, ce que nous construisons avec la Fédération Générale des PEP, et les Centres Sociaux s’avère fondamental. Mais nous devons aussi, à l’interne même de notre mouvement, nous préparer, anticiper les évolutions inéluctables qui résulteront demain des changements de majorité adossés aux évolutions territoriales engagées aujourd’hui. Sans replis idéologiques mais avec conscience. Cette conscience d’une tâche qui n’est pas simple, mais dont l’enjeu est fondamental ! Le congrès de Grenoble sera celui où nous aurons, collectivement, été en capacité de dire ce que nous voulons faire de nous-mêmes avant que d’autres nous contraignent à accepter ce qu’ils auront voulu faire de nous !

 

La rentrée est là. Avec elle un retour au quotidien, un retour aux enjeux d’aujourd’hui. Ainsi en sera-t-il de notre mobilisation dans le collectif des 39 pour soutenir les enjeux qui portent sur le devenir de la psychiatrie et de la santé mentale, de notre engagement au sein du CAPE pour poursuivre nos ambitions d’une refondation au service de la réussite de tous les enfants et les jeunes de notre pays, de notre mobilisation au sein du CNAJEP pour renforcer la place de l’Education Populaire et affirmer la modernité de nos combats et de nos valeurs.

 

Les propos de ce discours sont construits en appui sur l’ensemble des fiches de synthèse qui nous sont parvenues. Il nous faudra un peu de temps pour finaliser puis mettre en œuvre les conclusions de ce congrès. L’équipe de direction nationale portera cette dernière étape en appui sur les instances nationales de rentrée (Comité de direction, conférence des présidents, CA,…) en impulsant la mise au travail du réseau dans des modalités à définir. Le rendez-vous militant du 19 au 23 décembre prochain à Saint Front constituera une étape capitale dans ce processus de finalisation.

 

Pour conclure

Dans une période complexe (mais y a-t-il eu des périodes « simples » ?), il est vital que nous entretenions et développions nos capacités d’indignation et de résistance. Mais il est tout aussi vital d’entretenir et de développer nos capacités d’émerveillement, de rêve, de sollicitude. Mes chers amis, nous sommes tout cela à la fois, c’est notre histoire, mais c’est aussi notre devenir, celui que nous avons commencé à projeter ici à Grenoble.

Je vous remercie toutes et tous, militantes et militants des Ceméa pour votre engagement dans ces travaux et la disponibilité de certaines et certains d’entre vous qui ont assumé les fonctions d’animation des différents temps de travail.

Je salue le travail et l’engagement des membres du GDC qui ont porté depuis presque deux ans ce congrès accompagnant le passage du projet à sa mise en vie.

Je remercie l’équipe du projet accueil parents/enfants pour avoir conduit et réussi ici, en appui sur les parents eux-mêmes, cette expérimentation.

Enfin, en notre nom à tous, j’adresse nos amitiés, nos remerciements aux militantes et aux militants de l’AT Rhône Alpes pour leur mobilisation depuis plusieurs mois, leur accueil, leur attention aux personnes, leur disponibilité malgré les nombreuses contraintes qu’ils ont eues à surmonter. Vous avez apporté une contribution majeure à la réussite de ce congrès.

Merci !

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La conférence d’ouverture avec Edwy Plenel https://test.cemea.asso.fr/conferences/2015/08/la-conference-douverture-par-edwy-plenel/ https://test.cemea.asso.fr/conferences/2015/08/la-conference-douverture-par-edwy-plenel/#comments Sat, 22 Aug 2015 11:20:55 +0000 http://congres2015.cemea.asso.fr/?p=253 Nous avons demandé à Edwy Plenel de poser des analyses, de situer des enjeux de société à partir de mots ... Lire la suite ›

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Nous avons demandé à Edwy Plenel de poser des analyses, de situer des enjeux de société à partir de mots clefs : démocratie, participation, citoyenneté, la parte du rêve… Mais également de nous dire, de son point de vue, les grands enjeux sociétaux auxquels un mouvement comme le nôtre doit se préparer.

La séance publique d’ouverture

Elle accueillera des invités régionaux. Elle réaffirmera notre identité de mouvement d’Éducation Nouvelle, nos fondements et nos valeurs. Elle permettra de réaffirmer l’engagement permanent de notre mouvement sur les grands enjeux actuels.
Elle redonnera le cadre des travaux du congrès et la logique des différents contenus, tout comme l’importance de la construction par chaque congressiste de son parcours pour les jours qui suivront. (Amphi Weil)

Déroulement :
intervention de :

  • André Sirota Président des Ceméa, membre du CAPE et du CNIRE, Professeur émérite de l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense, Directeur de recherche en psychopathologie sociale clinique
  • Laurent Paris, Président de l’association territoriale des Ceméa Rhône-Alpes
  • Vincent Chavaroche, Directeur Général Adjoint
  • Madame Elisa MARTIN 1ère adjointe représentant Monsieur le Maire de
    Grenoble
  • Prise de parole de Monsieur REYNAUD, Conseiller régional, représentant Monsieur le
    Président du Conseil Régional Rhône-Alpes
  • Monsieur FERRARI Président de Grenoble-Alpes Métropole
  • Monsieur PARODI (5mn) Directeur Régional de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale (DRJSCS) qui introduit la vidéo de Monsieur le Ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports s’adressant aux congressistes

Suivez la conférence en direct

Vous pouvez suivre la conférence en direct sur le site de Mediapart à cette adresse .

Revoir la conférence d’ouverture en ligne

Voir les vidéos…

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Grande pauvreté et réussite scolaire https://test.cemea.asso.fr/interventions-reperes-et-reflexions/2015/08/grande-pauvrete-et-reussite-scolaire1/ https://test.cemea.asso.fr/interventions-reperes-et-reflexions/2015/08/grande-pauvrete-et-reussite-scolaire1/#comments Fri, 21 Aug 2015 08:03:55 +0000 http://congres2015.cemea.asso.fr/?p=3218 Contribution [1] de Jean-Paul DELAHAYE, Inspecteur général de l’éducation nationale, pour le Congrès des CEMEA de Grenoble Vivre en situation ... Lire la suite ›

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Contribution [1] de Jean-Paul DELAHAYE, Inspecteur général de l’éducation nationale, pour le Congrès des CEMEA de Grenoble

Vivre en situation de grande pauvreté, c’est vivre en danger humain, social et scolaire. En France, sixième puissance économique mondiale, 1,2 million d’enfants, soit un enfant sur dix, sont des enfants de familles pauvres. Conséquence de la détérioration de la situation économique, l’augmentation de la pauvreté des enfants est à la fois un fait marquant de la période récente et peu médiatisé.

Les enfants sont les grands oubliés des débats autour de la crise économique et financière débutée en 2008 et il faut regretter le peu de connaissance de nos sociétés concernant la pauvreté des enfants et ses conséquences sur la vie quotidienne des jeunes.

Et on est ici u cœur du projet de refondation de l’école engagé par Vincent Peillon et aujourd’hui porté par la ministre Najat Vallaud Belkacem. Il faut d’ailleurs sans cesse rappeler pourquoi il y a nécessité de refonder l’école et pour qui. En réalité, c’est la même question. Savoir pourquoi refonder, assurer la réussite de tous, c’est aussi déterminer pour qui refonder. Si refonder l’école, c’est corriger les inégalités au sein du système éducatif, alors refonder l’école, c’est faire réussir les plus pauvres. La refondation concerne bien sûr tous les élèves et il n’est pas question de réduire les écarts en baissant le niveau des meilleurs. Refonder l’école, ce n’est pas niveler par le bas, c’est élever le niveau de tous en centrant l’attention du système éducatif en priorité en direction des plus fragiles, ceux dont les destins scolaires sont liés à leur origine sociale. Certains semblent aujourd’hui redouter, je pense à la réforme du collège qui vise à lutter contre les inégalités, la réussite du plus grand nombre ! Mais tout le monde y gagnera, y compris les élites, dont la base sociale est trop étroite et dont les résultats ont tendance à stagner, voire à régresser.

Un enfant de famille pauvre est un enfant qui vit avec d’importantes fragilités financières, sociales, culturelles. Comment entrer sereinement dans les apprentissages quand on rencontre des difficultés pour se loger, pour se nourrir, pour se soigner, pour s’habiller, pour se cultiver ? Comment vivre sa vie d’enfant et d’adolescent quand on est moins associé à la vie collective que les autres jeunes ? Victor Hugo, dans un poème dédié « à ceux qu’on foule aux pieds », publié dans le recueil « l’année terrible » en 1872, a cette formule interrogative, fulgurante, toujours actuelle car profondément juste : « Comment peut-il penser celui qui ne peut vivre ? »

Les inégalités ont des conséquences lourdes sur la vie et sur la scolarité de ces enfants. Par exemple, il existe une inégalité entre les enfants pour l’ouverture au monde (moins de sorties culturelles et de loisirs organisés, moins de voyages, moins de vacances).

Que faisons-nous pour réduire les inégalités entre les enfants pour que les plus démunis d’entre eux puissent mieux répondre aux exigences scolaires ?

Face à cette situation, il existe des initiatives locales, aujourd’hui fragilisées par des financements non pérennes. Les associations d’éducation populaire notamment, comme les CEMEA, sont évidemment très concernées par cette situation. Dans mon rapport, je signale ainsi, à Saint-Etienne, qu’en partenariat avec les restaurants du cœur, la Ligue de l’enseignement et l’Union française des œuvres laïques d’éducation physique (UFOLEP) de la Loire proposent aux familles accueillies par les « restos » que leurs enfants participent aux activités sportives organisées par les amicales laïques stéphanoises. En Haute-Savoie, un partenariat entre la Ligue de l’enseignement, la Caisse d’allocations familiales, le Secours Populaire  et le Conseil général permet à des familles en très grande difficulté de pouvoir bénéficier d’une semaine de « vacances solidaires ». De son côté et depuis leur origine, la Fédération générale des Pupilles de l’enseignement public (PEP) multiplie des actions de solidarité afin de financer le départ d’enfants en difficulté sociale en classe de découverte ou en séjours de vacances.

Ce qua ma mission a montré, c’est que dans certaines parties du territoire, l’école ne constitue plus seulement une obligation en tant que lieu des apprentissages, elle est devenue une institution d’aide aux familles, voire un refuge. J’ai observé de façon constante que les écoles et les établissements scolaires sont le plus souvent les premiers repères et les premiers recours face aux situations de détresse sociale. Mon rapport rend hommage à tous les personnels et leurs partenaires qui sont confrontés chaque jour à ces difficultés. Mon rapport est aussi sans concession sur les réponses insuffisantes de l’institution. Par exemple, on a assisté à une division par 2,3 des fonds sociaux de 2002 à 2012, c’est-à-dire qu’on a osé faire des économies dans notre pays sur les crédits destinés aux pauvres, et ce en pleine crises économique ! Depuis 2012, ces crédits sont à nouveau en augmentation et la ministre Najat Vallaud Belkacem vient de les augmenter de façon très significative.

Mais la question n’est pas seulement sociale, elle est aussi pédagogique. Pourquoi est-ce si difficile en France de bâtir un système éducatif plus inclusif, universel, c’est-à-dire qui soit organisé pour que tous les enfants réussissent et qui ne soit pas essentiellement concentré sur la fonction de sélection des meilleurs ? Pourquoi ne parvenons-nous pas à changer une organisation du système éducatif qui accroît à ce point les inégalités ? Pourquoi est-il si difficile dans notre pays de mettre en place des cycles d’enseignement sur plusieurs années, de concevoir des modes d’évaluation qui encouragent et qui font progresser dans les apprentissages ? Pourquoi les décisions d’orientation sont-elles si dépendantes des origines sociales ? En bref, pourquoi ça ne change pas ou si lentement ?

Si, en dépit des réformes conduites précédemment, et le système a tout de même bougé il faut le reconnaître, les inégalités sociales pèsent encore autant sur le destin scolaire de la jeunesse de notre pays, c’est que l’échec scolaire des plus pauvres n’est pas un accident. Il est inhérent à un système qui a globalement conservé la structure et l’organisation adaptées à la mission qui lui a été assignée à l’origine : trier et sélectionner. L’échec scolaire des enfants des milieux populaires résulte pour partie de l’organisation de notre système scolaire.

C’est évidemment dramatique pour notre pays, car si tous les enfants des familles pauvres ne sont pas en échec scolaire, ceux qui échouent à l’école aujourd’hui seront les exclus de demain. Faire réussir les plus pauvres n’est pas seulement une question de justice pour les pauvres eux-mêmes, et c’est d’abord pour eux que la refondation de l’école doit s’opérer, mais est une question de survie pour notre économie car les inégalités freinent la croissance. En favorisant davantage la réussite scolaire des plus pauvres, le système éducatif leur offre le seul moyen à long terme de sortir de la pauvreté. Laisser sur le bord du chemin autant d’intelligences et de potentiels est, de ce point de vue, très problématique pour un pays qui doit affronter la mondialisation et la compétition internationale. Enfin, faire réussir tous les enfants est aussi une question essentielle pour notre démocratie car nous ne pourrons indéfiniment prôner le « vivre ensemble » sur le mode incantatoire et dans le même temps abandonner sur le bord du chemin une partie des citoyens.

Quelle société préparons-nous si nous ne parvenons pas à faire vivre et à faire apprendre ensemble, au moins pendant le temps de la scolarité obligatoire, dans des établissements hétérogènes, toute la jeunesse de notre pays dans sa diversité ? Les familles pauvres ne demandent pas que leurs enfants soient scolarisés à part mais que soit poursuivie la construction d’une école de la réussite pour tous, c’est-à-dire une école pensée et organisée pour leurs enfants aussi.

Nous ne répondrons pas à cette demande d’égalité sans un effort collectif de solidarité et, sans doute plus encore, de fraternité. Cela ne relève pas de la seule responsabilité de l’école et oblige à dépasser certains intérêts particuliers pour privilégier l’intérêt général.

Ce n’est pas toujours le chemin que notre pays emprunte de façon déterminée. Il semble nécessaire, par exemple, de s’interroger sur notre conception pour le moins curieuse de la solidarité quand, par exemple, nous subventionnons sans restriction, au moyen d’exonérations fiscales, les cours privés d’aide aux devoirs pour certaines familles et que nous mettons sous contrainte budgétaire l’aide aux devoirs gratuite indispensable aux plus démunis.

Parvenir à dépasser la contradiction entre le besoin de solidarité à l’égard des plus faibles et le mouvement de repli qui protège de l’autre, est le défi auquel nous devons répondre. Il y va de l’intérêt général car la réussite du plus grand nombre aura des effets bénéfiques sur chacun.

 

Qui pourrait être opposé à la meilleure réussite des enfants de milieu populaire et la prévention du décrochage scolaire qui les touche massivement ? Personne bien sûr, à ceci près que la réussite de tous n’est pas nécessairement une priorité partagée par toute la population et ne relève donc pas de l’évidence. Dans une période de crise économique et sociale où la lutte pour les places est plus âpre, la fraternité nécessaire pour la réussite scolaire de tous se heurte inévitablement à des intérêts particuliers qui n’ont pas forcément envie que l’école se transforme. Les dysfonctionnements de notre école qui ne parvient pas à réduire les inégalités ne nuisent pas à tout le monde. Ceux dont les enfants réussissent si bien à l’école telle qu’elle est aujourd’hui ont-ils besoin et envie que l’école se réforme ?

La méritocratie a une face claire, pour ceux qui en bénéficient, et une face sombre pour tous les autres.

Dans mon rapport, j’identifie quatre leviers pour faire réussir tous les élèves et combattre ainsi les inégalités au sein du système éducatif. Aucun n’est original. Le plus difficile est des les conduire ensemble, et dans la durée:

  • Une concentration indispensable des efforts et des moyens pour mieux venir en aide aux enfants des familles pauvres, condition nécessaire pour une égalité des droits. Tant qu’il n’existera pas une mixité sociale et scolaire suffisante sur l’ensemble du territoire, des mesures ciblées d’accompagnement et d’aide, à la fois pédagogiques et budgétaires, au bénéfice des publics défavorisés seront nécessaires. L’État et les collectivités territoriales devront continuer à associer leurs efforts.
  • Une politique pédagogique et éducative globale pour une école plus inclusive qui s’organise pour privilégier le « scolariser ensemble » au cours de la scolarité obligatoire et permettre à tous les élèves de réussir. L’école qui s’adresse aux enfants des pauvres ne peut être une pauvre école, organisée à part et avec moins d’ambition. Si l’on veut mettre réellement en application le principe affirmé dans la loi d’une école inclusive, car tous les élèves sont capables d’apprendre, alors toute la scolarité obligatoire doit être conçue comme à la fois exigeante et bienveillante pour tous les élèves, gratuite dans son offre, avec une part significative d’enseignement collectif en classes hétérogènes.

Si vraiment l’objectif est de faire réussir tous les élèves, alors toutes les organisations pédagogiques ne se valent pas. Certaines sont plus efficaces que d’autres pour transmettre des connaissances et des compétences à des groupes d’élèves hétérogènes dans leurs origines sociales. Au contraire, certains choix pédagogiques ont plutôt tendance à creuser les écarts. Ces faits ne sont plus de l’ordre de l’opinion, Ils sont établis par la recherche en éducation. Il ne s’agit pas de décrire ce que serait une pédagogie idéale pour la réussite de tous et donc pour les enfants des familles pauvres. La diversité des approches possibles et des chemins pour assurer la réussite de tous interdit tout dogmatisme en la matière et appelle à la retenue. Mais ce qui apparaît au terme de ma mission c’est qu’au chacun pour soi et à la compétition – cadre du fonctionnement actuel – il faut préférer la solidarité et la coopération qui doivent être encouragées. Il faut, au moyen de la formation initiale et continue, faire évoluer les pratiques qui, en l’état actuel, ne permettent pas de réduire les écarts. Il faut aussi faire en sorte que le niveau national ne soit pas en retard par rapport aux avancées des équipes de terrain et accompagner l’action quotidienne des personnels car rien ne se fera sans eux. Il faut encourager les évolutions, les évaluer et ne pas freiner celles qui font obtenir de bons résultats. Car beaucoup d’équipes et de partenaires sont d’ores et déjà au travail dans les écoles et les collèges, et certains depuis fort longtemps. Grâce aux acteurs de terrain et à la recherche, les principes d’organisation et de fonctionnement de l’école plus favorables que d’autres à la réussite de tous sont perçus relativement clairement et depuis longtemps. Notre école est donc pleine de ressources, la question est de savoir comment généraliser ce qui marche, comment lever les blocages, comment passer de l’innovation à la transformation.

  • Une politique de formation et de gestion de ressources humaines pour réduire les inégalités. Comme me l’a dit un IEN rencontré lors de ma mission, la grande pauvreté est une broyeuse qui avale les parents, les élèves, mais aussi les professeurs, parce que la misère leur est souvent insupportable et parce qu’elle les confronte à leurs limites personnelles et professionnelles en permanence. Nombreux sont les membres de la communauté éducative qui sont atteints dans leurs valeurs et qui ne peuvent pas porter aussi haut qu’ils le voudraient l’idéal républicain. Dans la détresse professionnelle qui peut être la leur, les collègues ont du mal à dépasser l’affectif et à être plus professionnels dans la gestion de ces élèves confrontés à la grande pauvreté. Pour que les enfants et adolescents des familles qui ont des conditions de vie très difficiles réussissent, il faut donc qu’ils puissent bénéficier de l’enseignement de personnels expérimentés, mieux considérés.
  • Une alliance éducative entre l’école, les parents, les collectivités territoriales, les associations. La réduction des écarts de réussite scolaire ne se règlera pas sans un effort collectif accompagnant l’action de l’État et de ses personnels. Cette action concerne les élus, les parents, les associations, les entreprises. C’est pourquoi, il n’y a pas de réussite scolaire possible sans programme plus large de « réussite éducative » qui permette de nouer des solidarités fondées sur la conjugaison des compétences et des responsabilités sur un territoire et non plus seulement sur leur seule juxtaposition.

 

Mon rapport formule 68 préconisations dont certaines concernent directement les associations d’éducation populaire. Prenons quelques exemples (le numéro renvoie parenthèses renvoie à la page du rapport).

 

Pour favoriser la connaissance de l’environnement de l’école et des différents agents de l’acte éducatif :

  1. Organiser, pour les personnels nouvellement affectés dans une école ou un établissement, un temps de formation ayant pour objectif une première connaissance de l’environnement de l’école : rencontre avec les acteurs de la commune ou du quartier : élus, autres services de l’Etat, services sociaux, monde associatif, avec la participation effective des parents d’élèves de la commune ou du quartier (136).
  1. Organiser des formations communes entre les personnels de l’éducation nationale et les acteurs et animateurs du territoire de l’école afin de faciliter la connaissance mutuelle et de mieux travailler en complémentarité pour la réussite de tous les élèves (136).

 

Pour familiariser les enseignants à l’activité associative

  1. Intégrer, dans le cursus de formation des personnels d’enseignement et d’éducation, entre la L2 et le M2, un temps d’activité associative en zone urbaine ou en zone rurale permettant une connaissance concrète des lieux et des conditions de vie des enfants des milieux populaires. Par exemple, encadrement d’activités extra-scolaires, aide aux devoirs en liaison avec l’AFEV, appui aux actions d’un DRE, actions d’aide à la parentalité, actions de lutte contre l’illettrisme… Ce temps d’activité associative est validé dans le cursus de formation (132).

 

Pour faciliter la cohérence de l’activité éducative

  1. Inscrire dans les programmes de formation des cadres le suivi et l’évaluation des politiques pédagogiques et éducatives des écoles et des établissements pour la réussite de tous les élèves (127).
  1. Porter à l’ordre du jour des conseils d’école et des conseils d’administration des établissements scolaires, la question des modalités d’accompagnement de tous les élèves pour le travail personnel qui leur est demandé.
  1. Renforcer dans le cadre des PEDT le pilotage de l’accompagnement à la scolarité en vue de le rendre véritablement utile à ceux qui en ont le plus besoin et en veillant à ce que cette action se professionnalise sans se substituer à celle de l’école (158).

 

Dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, la généralisation en cours des projets éducatifs de territoire (PEDT) doit être conçue pour assurer une meilleure articulation entre les différents temps de l’enfant, garantir des activités périscolaires de qualité sur l’ensemble des territoires, et être ainsi profitable aux plus pauvres, ceux qui en ont le plus besoin.

L’engagement du Collectif des associations partenaires de l’École (CAPE), qui rassemble des associations d’éducation populaire et des mouvements pédagogiques, aux côtés des collectivités locales et des services de l’État pour la mise en place sur tous les territoires des PEDT, est essentiel. Il paraît en effet indispensable que, sur les questions relatives à l’organisation globale des temps de vie des enfants, soient organisés, dans un esprit et selon des procédures de co-construction, des concertations et des échanges pour optimiser les dispositifs mis en place au service de la réussite des élèves. La volonté que les enfants de milieux populaires puissent bénéficier utilement d’actions conduites dans ce cadre impose de veiller à la cohérence de l’offre avec cet objectif, ce qui suppose que les Groupes d’appui départementaux pour les PEDT soient outillés pour veiller aux orientations prioritaires en vue de « la mise en place d’activités périscolaires contribuant à une politique locale de réussite éducative  Rappelons que, parmi les critères actuellement retenus par le ministère dans les négociations relatives à la CPO (Convention pluriannuelle d’objectifs), le critère de la réussite de tous les élèves, et donc, bien évidemment des élèves les plus défavorisés, ait été placé en première position.

  1. Réactiver et utiliser le pacte pour la réussite éducative pour assurer la cohérence des actions conduites pour la réussite de tous les élèves (161).

Pour que les associations participent au renforcement de la place des parents dans l’école

  1. Conduire une politique académique d’animation des « espaces parents ». Intégrer aux conventions d’objectifs académiques liant les associations d’éducation populaire et les rectorats, une mission d’animation et/ou de formation des animateurs des espaces parents prise en charge par les associations complémentaires de l’école (151).

 

Pour alléger les démarches administratives imposées aux associations

  1. Pour alléger les démarches administratives effectuées par le milieu associatif, étudier avec les partenaires la possibilité de création d’un guichet ou d’un dossier unique pour tous les appels à projets (160).

 

Beaucoup d’acteurs de terrain, notamment associatifs, ont en effet signalé à la mission la complexité des procédures pour constituer des dossiers en réponse à des appels à projets et, souvent, le manque de coordination entre les différentes politiques ministérielles. Il faudrait en conséquence que les prescripteurs et les donneurs d’ordre travaillent plus étroitement avec les associations pour éviter la bureaucratisation de l’action sociale et éducative. Par exemple, aujourd’hui pour le même projet, il faut déposer des dossiers très différents pour obtenir un financement dans le cadre d’un Contrat urbain de cohésion sociale (CUCS), d’un Contrat local d’accompagnement à la scolarité (CLAS), d’un réseau d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents ( REAAP), etc.

 

[1] http://cache.media.education.gouv.fr/file/2015/52/7/Rapport_IGEN-mai2015-grande_pauvrete_reussite_scolaire_421527.pdf

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Discours d’ouverture de Vincent Chavaroche, Directeur adjoint des Ceméa https://test.cemea.asso.fr/interventions-reperes-et-reflexions/2015/08/discours-douverture-de-vincent-chavaroche/ https://test.cemea.asso.fr/interventions-reperes-et-reflexions/2015/08/discours-douverture-de-vincent-chavaroche/#comments Wed, 19 Aug 2015 21:58:58 +0000 http://congres2015.cemea.asso.fr/?p=2255 Mesdames, Messieurs, CherEs amiEs, cherEs camarades militants et militantes de l’éducation nouvelle réunis ici à Grenoble. L’ouverture d’un congrès des ... Lire la suite ›

Cet article Discours d’ouverture de Vincent Chavaroche, Directeur adjoint des Ceméa est apparu en premier sur Congrès national des Ceméa 2015.

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Mesdames, Messieurs,

CherEs amiEs, cherEs camarades militants et militantes de l’éducation nouvelle réunis ici à Grenoble.

L’ouverture d’un congrès des Ceméa, différent de surcroît, doit être un moment fort pour nous tous et nous toutes, c’est un moment  très fort pour celui qui en a la responsabilité, je vous l’assure!

Moment fort parce que chargé d’émotion et porteur d’enjeux peut-être déterminants pour l’avenir de notre mouvement.

Moment exceptionnel aussi parce que chaque Congrès nous a permis de montrer et de démontrer, à nous-mêmes et à l’extérieur, notre capacité de mobilisation, d’engagement et de travail, de projection sur l’avenir.

Ce Congrès se doit donc d’être, comme les précédents, un évènement historique ainsi que je l’ai dit dans le dernier édito de notre revue Vers l’Education Nouvelle.

C’est un grand espace collectif d’élaborations, de perspectives et de propositions, un temps fort pour la vie du mouvement Ceméa, pour renforcer sa contribution à la transformation des politiques éducatives au service de tous et de toutes.

Un évènement qui rythme aussi la vie institutionnelle de notre association, un espace essentiel dans le fonctionnement démocratique de celle-ci.

L’ouverture de ce Congrès suscite aussi pour moi une certaine curiosité.

Curiosité vis-à-vis de notre réception et notre perception des objectifs, de l’organisation de ce Congrès et des propositions de travail un peu particulières.

Qu’en sera-t-il par exemple du chant des possibles, l’axe 3 de nos travaux qui doit nous permettre, comme le dit notre slogan, de « Penser et d’agir l’avenir »,  de prendre le temps de travailler nos utopies, certaines historiques, d’autres plus récentes?

Un sentiment de tranquillité également car je sais combien nous sommes capables de nous approprier et d’investir un cadre, des espaces de travail, de partage, de rencontres et de vivre ensemble. Un congrès atypique donc, extraordinaire au sens strict du mot comme nous le disions avec Jean-Luc Cazaillon dans la première lettre adressée à tous les militants et militantes début 2014, celui de l’anticipation, de l’imagination et de la construction des Ceméa de demain. Un congrès construit sur d’autres logiques que celles de la norme associative ou de l’habitude ! Celui d’Aix-en-Provence en 2010 avait, rappelez-vous, déjà bien ouvert la voie!

Une sorte de pari, ambitieux et nécessaire pour nous permettre de poser sereinement et avec force, je le souhaite, des projets d’action pour notre mouvement d’éducation nouvelle, et donc pour les jeunes, les enfants, les familles…

Les évolutions importantes de l’environnement et les défis auxquels nous devons contribuer nous y obligent.

Car ce Congrès et la logique des travaux qui le constituent, posent aussi le postulat que le développement des Ceméa pour demain ne peut se construire, s’envisager uniquement à partir de ce que nous faisons déjà aujourd’hui. Il doit nous permettre de nous mettre en dynamique d’exploration, d’innovation, d’expérimentation car ce qui nous identifie, c’est d’être d’abord un mouvement de praticiens, c’est aussi le tâtonnement expérimental, c’est l’éloge de l’amateur et non de l’amateurisme, c’est notre capacité, en prise avec le réel, d’apporter des propositions adaptées, alternatives, en réponse aux besoins de notre société, aux problèmes et aux difficultés actuelles de la vie quotidienne des enfants, des jeunes et des adultes.P1210764

Un congrès des Ceméa se doit d’être aussi l’occasion de rappeler à nos partenaires institutionnels et politiques, ainsi qu’à nous-mêmes, d’où nous venons avant de nous projeter sur le devenir et l’avenir des Ceméa.

Pour cela, je me permets de vous livrer une citation du poète Aimé Césaire que j’ai extraite d’un excellent ouvrage collectif intitulé François Maspéro et les paysages humains consacré aux éditions Maspéro et à François Maspéro récemment disparu : « La voie la plus courte pour aller vers l’avenir est celle qui passe toujours par l’approfondissement du passé ».

Cette maison d’édition a marqué et marque toujours bon nombre d’entre nous, tant dans nos engagements éducatifs que politiques. Maison d’édition grâce à laquelle beaucoup de militants et de militantes ont pu prendre connaissance et se nourrir de pensées, de conceptions et de pratiques éducatives innovantes au travers d’ouvrages tels que : Nous et l’innocent de Fernand Deligny, Le petit homme de la jeunesse a cassé son lacet de soulier d’Emile Copferman, compagnon de route des Ceméa, Naissance d’une pédagogie populaire d’Elise Freinet, Le théâtre de l’opprimé d’Augusto Boal, De la classe coopérative à la pédagogie institutionnelle de Fernand Oury et Aïda Vasquez et j’en passe, sans oublier bien évidemment Les Ceméa qu’est-ce que c’est ?  de Denis Bordat alors délégué général des Ceméa.

Les éditions Maspéro nous ont accompagnés, tout comme les éditions du Scarabée, qui ont accueilli de nombreuses productions pédagogiques des Ceméa à la même période.

Dans cet ouvrage, les auteurs reprennent donc cette citation d’Aimé Césaire écrite dans la revue Présence Africaine de novembre 1956 : « La voie la plus courte pour aller vers l’avenir est celle qui passe toujours par l’approfondissement du passé ».

Elle vaut je pense aussi pour notre mouvement d’éducation nouvelle qui ne doit pas oublier d’où il vient et ce qui l’a construit  pour pouvoir travailler à son devenir, choisir des logiques de développement et inventer des réponses aux nombreux défis sociétaux pour les dix ou vingt années à venir!

Ce même ouvrage donne la présentation suivante des objectifs des Ceméa dans les années 1950 : « Former le peuple à une culture « militante » pour renforcer une république progressiste en lutte contre les forces réactionnaires et les puissances d’argent ».

Chers camarades, se rappeler d’où l’on vient et à qui nous le devons.

C’est aussi ce que nous avons fait lors de notre assemblée générale nationale de juin dernier au cours de laquelle nous avons rendu hommage à l’actualité de la pensée pédagogique de Jean Zay.

Et rappelons encore une fois ici, comme l’écrivent Antoine Prost et Francine Best, que c’est aussi grâce à ce ministre du Front Populaire que dans un contexte de luttes et de conquêtes éducatives, culturelles et sociales a eu lieu le premier stage d’entrainement de Beaurecueil en 1937.

C’est fort de ces origines que notre mouvement doit construire son futur projet politique. Politique parce que l’éducation nouvelle est politique, parce que notre vision éducative doit nous conduire à être dans l’offensive, dans l’affirmation de nos convictions plus que dans l’adaptation ou la réaction. Notre mouvement d’éducation doit agir sa vision de la politique, c’est-à-dire expliciter sans cesse les fondements de nos pratiques, mettre en œuvre des démarches, des méthodes, des pratiques porteuses d’émancipation, de transformations sociales, éducatives et culturelles.

Les Ceméa sont un mouvement d’éducation nouvelle qui s’inscrit clairement dans une mouvance de gauche, laïque, progressiste et humaniste. Notre mouvement n’est ni une courroie de transmission des pouvoirs politiques, ni un prestataire de service.

C’est un acteur de la société civile, porteur d’idéaux et de valeurs mises en actes au quotidien par ses militants et ses militantes, en capacité d’articuler projet politique et ancrage dans les réalités de terrain.

Un congrès, c’est une grosse machine, qui a commencé depuis plus d’un an pour mobiliser le réseau, c’est un chantier qui a nécessité une organisation interne chargée de lancer la dynamique, de mobiliser le mouvement sur les contenus, sur les objectifs, sur les enjeux à débattre.

Un congrès, c’est aussi un ensemble d’acteurs, d’actrices, de partenaires, locaux et nationaux, qui de leur place ont contribué à la réalisation de celui-ci. Je voudrai remercier ici de ce point de vue les élus politiques et syndicaux, les élus et les responsables associatifs, les personnalités et tous nos invités, régionaux, nationaux, mais aussi européens et internationaux qui nous font le plaisir de participer à cette séance d’ouverture, et pour certains, aux travaux de notre congrès dans son ensemble.

Si nous sommes accueillis ici sur le campus de Grenoble, c’est aussi grâce à l’écoute et au soutien de Pierre Chaix, vice-président de l’UPMF (Université Pierre Mendès France), Jean-Charles Froment, directeur de l’IEP (Institut d’Etudes Politiques) et Anne-Cécile Dockès présidente de EVE (Espace de Vie Etudiante) qui ont avec leurs collaborateurs mesuré l’ampleur de notre projet, en ont compris les enjeux et ont tout fait pour nous permettre d’être accueillis dans leurs établissements dans les meilleures conditions.

Conditions qui par ailleurs s’inscrivent dans un partenariat plus pérenne avec les Ceméa de Rhône-Alpes.

Ce choix politique d’organiser notre Congrès dans des locaux de l’éducation nationale est une constante pour nous, chaque fois que possible. Cette année, c’est dans une configuration ouverte et plurielle que ce congrès se déroulera. C’est pourquoi le soutien et l’appui de nos hôtes ont été particulièrement importants.

Enfin, je voudrai relever et saluer au nom du GDC et en notre nom, la mobilisation et l’engagement des militants et des militantes des Ceméa Rhône-Alpes.

Accueillir un congrès, pour une association territoriale, au regard de l’activité régionale quotidienne et dans un contexte difficile, c’est une lourde tâche ! Ils sont là, soucieux de votre accueil, déterminés eux aussi à contribuer au bon déroulement de nos travaux, qu’ils en soient remerciés !

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Grenoble, c’est ici et maintenant avons-nous dit ! Nous avons dû reporter d’un an ce Congrès, et il faut bien le dire, nous avons pu craindre que la mobilisation de notre réseau n’en subisse les conséquences. Au regard des plus de 800 personnes présentes aujourd’hui, notre ambition de faire un congrès mobilisateur était bien fondée !

Le nombre de congressistes témoigne de notre engagement dans le mouvement et de notre mobilisation.

Pour certains et certaines d’entre nous, ce sera leur premier congrès, pour la plupart le deuxième, le troisième, et pour certains ou certaines le huit ou dixième ! Il sera en tout cas pour nous tous et toutes réunis ici le 1er ensemble!

Nous sommes présents à Grenoble parce que nous voulons contribuer à poser les bases du futur projet politique des Ceméa pour les dix ou vingt années à venir et donc peser sur les enjeux éducatifs et sociétaux.

Un projet qui participera, dans une perspective politique d’éducation populaire, à la transformation des rapports sociaux dans notre pays.

Militantes et militants, vous avez été nombreuses et nombreux par ailleurs à vous mobiliser dans vos associations territoriales pour apporter vos contributions aux travaux préparatoires, que ce soit sur l’analyse de notre environnement ou les propositions de focus et de thématiques pour les débats sur les enjeux fondamentaux pour notre mouvement dans l’axe 3.

La logique particulière de ce Congrès, au travers des « 100 projets d’éducation nouvelle ancrés dans tous les territoires », a en effet nécessité un engagement fort, individuel et collectif, pour choisir un ou des thèmes, pour venir témoigner d’une pratique, d’une action « originale » pouvant devenir demain, un des supports et leviers de développement pour les Ceméa. Je remercie donc, au nom du GDC et en votre nom, toutes celles et ceux qui se sont engagés et ont pris ce risque, permettant ainsi un véritable travail de prospective à partir de nos pratiques d’aujourd’hui.

Enfin, un salut fraternel aux membres du Groupe de Direction du Congrès et une pensée particulière pour mon ami Alain Ghéno qui ne pourra être des nôtres pour ce Congrès à Grenoble.

Ils se sont eux aussi mobilisés depuis plus d’un an, à partir du mandat qui leur a été confié, pour lancer la dynamique et mobiliser notre réseau. Il a fallu de la volonté, de la détermination, de la pédagogie aussi pour convaincre celles et ceux d’entre nous qui ne voyaient pas de prime abord, dans ce projet différent, un vrai congrès pour les Ceméa !

Tout cela n’était pas gagné, le Congrès commence à peine mais le cadre est posé et bien posé !

Il nous revient maintenant de l’investir ensemble !

Le cadre de travail de ce Congrès se situe en droite ligne des axes et des positionnements posés dans notre manifeste à la fin du Congrès d’Aix.

Ainsi, en reprenant les axes de ce manifeste, le rapport d’activité national, présenté lors de notre dernière Assemblée Générale, a permis de mesurer le niveau de mise en œuvre de nos orientations et notre implication face à diverses problématiques de société sur lesquelles notre mouvement est engagé.

Il s’agissait aussi de pointer les combats qui perdurent, de mesurer et de comprendre les évolutions du contexte politique et institutionnel.

Contexte qui témoigne par ailleurs chaque jour des avancées de la marchandisation de l’éducation, des tentations de technicisation de l’animation, des inégalités toujours croissantes pour le départ en vacances.

Contexte qui est caractérisé par la montée en charge des idéaux réactionnaires et des intégrismes, de l’antisémitisme, de l’individualisme, de la pauvreté, de l’exclusion et du rejet de l’autre parce qu’il serait différent ou parce qu’il vient d’ailleurs…

Certaines déclarations de la droite sont révélatrices de cette conception de la société, qui rejette plus qu’elle n’accueille, quand elles comparent le drame des populations migrantes à une fuite d’eau…ou stigmatisent les réfugiés.

Les évènements de janvier dernier nous ont aussi rappelé que le combat pour la liberté, la liberté de penser, la liberté de rêver, la liberté d’expression, la liberté de rire de tout doit être permanent.

Que la lutte contre tous les intégrismes, contre le racisme, contre l’islamophobie est une urgence politique.

Ils ont rappelé aux différents pouvoirs politiques qui se sont succédés, l’urgence de prendre en compte les alertes lancées depuis vingt ans par différents acteurs de l’éducation populaire sur la situation des jeunes, des laisser pour compte et des exclus des valeurs communes de la République.

Ainsi, dans cet environnement difficile pouvant devenir hostile à nos valeurs, je nous invite, en tant que militants et militantes des Ceméa à avoir encore plus de détermination et de vigilance pour que nos actions futures et leur développement se fondent d’abord sur les références et les principes philosophiques de l’éducation nouvelle.

C’est l’objet de nos travaux et débats sur les enjeux fondamentaux.

Et la belle exposition sur les grands pédagogues que vous découvrirez dans les espaces d’environnement suscitant est là pour nous en rappeler quelques acteurs et actrices emblématiques.

Je nous invite à avoir encore plus d’exigence vis-à-vis de nous-mêmes pour que le sens, la qualité de nos actions soient bien visibles, lisibles, explicites pas seulement pour nous, mais pour tous les publics que nous accueillons et auxquels elles s’adressent comme pour nos partenaires.

Il sera question de tous les enjeux de société déjà pointés à l’issue du Congrès d’Aix, et présents dans notre Manifeste au sein de l’axe 1 avec l’analyse de l’environnement.

Cet axe d’entrée dans le Congrès nous permettra, à travers différentes tables rondes et plusieurs débats, de mieux comprendre notre environnement d’aujourd’hui avant de penser le sens, les priorités, les supports et les modalités de notre développement de demain.

Il devra pouvoir nous interpeller, nous questionner sur nos positionnements, nous apporter des éléments de compréhension sur les évolutions de la société, nous outiller pour mieux mesurer les effets et les conséquences des mesures et des réformes en cours, expliciter le sens de nos positionnements.

Parmi ces enjeux de fond pour notre mouvement, je citerai entre autres :

– La laïcité, principe cher aux Ceméa et au cœur du pacte républicain. Principe malmené, parfois bafoué et détourné ou instrumentalisé. Principe dont il nous faudra retravailler ici ce qui est au cœur de notre engagement, le vivre et le faire ensemble.

– La refondation de l’école dont nous ne désespérons pas, avec entre autres la réforme des rythmes éducatifs dans laquelle les Ceméa sont engagés.

– L’économie sociale, au sein de laquelle les Ceméa inscrivent leurs actions et leurs pratiques, dans un autre mode de relations que la prestation de service, et affirmant l’existence de biens communs inaliénables ou la primauté de l’humain sur le profit.

– Le Développement Durable, dont nous pensons qu’il doit être au service des peuples, en référence à des valeurs de respect, de solidarité et d’humanisme et non pas centré sur la logique économique du productivisme et du libéralisme.

– La marchandisation de l’éducation contre laquelle notre lutte doit être de tous les instants, dans tous les domaines dans lesquels nous sommes investis.

Je rappelle que cet enjeu a été récemment le thème du séminaire de notre fédération internationale en novembre dernier.

– Les tensions au plan européen, entre éducation et instrumentalisation, entre une mobilité choisie et émancipatrice et une mobilité subie ou contrainte comprise comme variable d’ajustement pour l’employabilité optimum.

Autre enjeu fondamental, les médias, l’éducation critique et l’engagement citoyen qui sont au cœur des enjeux d’éducation.

Mais aussi, l’éducation culturelle par les pratiques artistiques parce que de notre point de vue il n’y a pas d’éducation sans culture.

Olivier Py, directeur du festival d’Avignon disait en juillet dernier devant la ministre de l’Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem

« Sans les Ceméa, « on pourrait toujours trouver du public, mais on ne pourrait pas trouver le sens qu’ils nous apportent » en même temps que les quelques 700 lycéens, apprentis et même collégiens qu’ils amènent. »

Les 100 projets d’éducation nouvelle présentés dans le cadre de l’axe 2, les fameux focus, seront aussi une occasion, par la présentation d’actions concrètes mises en œuvre sur les territoires, de croiser ces enjeux et de voir comment des militants et des militantes des Ceméa mettent en place des actions et des pratiques pédagogiques qui apportent des éléments de réponse et témoignent du sens de notre projet.

Parmi les thèmes qui apparaissent déjà à notre programme, dans la suite des enjeux que je viens d’énumérer, on peut citer encore :

– Les politiques sociales, la solidarité et la lutte contre toutes les exclusions et les discriminations

– La valorisation de démarches éducatives émancipatrices

– Genre et égalité

– La participation à la diversité culturelle

Et d’autres encore, preuve de la richesse de nos pratiques et de la diversité de nos domaines d’intervention.

C’est donc à un congrès différent auquel nous sommes conviés ici.

– Congrès différent dans sa logistique car nos travaux auront lieu dans plusieurs espaces comme je l’évoquais au début de mon propos. Au-delà de cette séance d’ouverture et de la séance de clôture dimanche prochain, les tables rondes, les travaux de groupes, la plupart des activités et l’environnement suscitant se dérouleront soit à l’UPMF soit à l’IEP. Vous avez tous les éléments d’information dans vos mallettes.

– Congrès différent au regard de ses contenus et de leur complémentarité.

La logique de ce Congrès mes chers camarades, s’est construite progressivement sur l’idée que, tenant compte du fait que notre projet associatif voté en 2011 à la suite du Congrès d’Aix était encore valide et pertinent, nous devions et nous pouvions nous donner du temps pour imaginer, rêver, penser les Ceméa de demain.

Pour permettre cela, ce Congrès répond à trois intentions :

  • Approfondir l’analyse de notre environnement
  • Travailler à partir des actions conduites par des militants et des militantes
  • Prendre en considération nos utopies et nos questionnements récurrents et nouveaux pour voir en quoi ils peuvent constituer des pistes et nourrir le chant des possibles pour les dix ans à venir!

Les travaux liés à ces trois intentions trouveront leur sens et seront productifs aussi parce que ce congrès les articulera avec des temps de découverte et de pratiques d’activités, c’est quand même un congrès des Ceméa !

Il nous donnera aussi à voir dans l’environnement suscitant, expression typiquement ceméatique, d’autres témoignages de pratiques, au sein du réseau, avec des partenaires, provoquant ainsi des rencontres, parfois inattendues pour autant que chacun, chacune ici, investisse les propositions de travail en osant faire son parcours.

Il nous revient en effet de faire de ce Congrès un véritable espace d’inventions.

Il doit être aussi l’occasion d’aller découvrir des espaces de travail différents de ses propres champs de compétences et d’implications.

À chacun et chacune d’entre nous de faire notre choix, notre parcours, entre tables rondes, présentations de focus, pratiques d’activités, rencontres dans l’environnement suscitant et les temps conviviaux, les scènes ouvertes…

Le Groupe de Direction du Congrès a mis en place un dispositif avec des groupes de référence réunis quotidiennement pour accompagner et aider dans cette démarche inhabituelle.

Ces groupes seront l’espace régulier d’information, d’accompagnement, d’explicitation des différentes propositions. Ils seront aussi et c’est essentiel, les espaces par lesquels vous pourrez, vous devrez faire remonter toutes les propositions, les questionnements, les pistes de travail au GDC afin qu’il les inscrive dans ce qui construira les suites de ce Congrès.

J’invite donc chacun, chacune d’entre nous à imaginer son parcours de congressiste, à s’autoriser des cheminements inédits dans les contenus proposés, à profiter de la diversité de ces contenus pour oser s’aventurer et aller à la découverte de champs d’actions, de pratiques différents de ceux dans lesquels nous sommes investis habituellement.

Un Congrès d’ouverture, pour les Ceméa,  c’est aussi pour aller à la rencontre de l’autre!

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J’ai commencé mon propos en situant ce congrès comme un événement fort pour notre mouvement.

Je voudrais le clore sur le même registre.

Ce congrès est celui de l’ouverture :

Ouverture aux autres, et en particulier aux 15 partenaires européens et internationaux qui sont parmi nous et participent depuis le 16 août à un séminaire européen sur les questions de politique de jeunesse. Ils participeront à la totalité de nos travaux, y apporteront leur regard et leur analyse, un pas de côté qui devrait largement contribuer à la qualité de notre travail.

Qu’ils soient ici remerciés de leur participation et de leur contribution.

Ouverture au débat, à la parole, la tranquillité de parole, à la bienveillance entre militants et militantes avec le souci de l’accueil pour celles et ceux qui vont vivre ici leur premier Congrès.

Congrès qui doit donc permettre d’accueillir la parole de l’autre, quelle que soit son histoire ou son entrée dans l’association. Ne nous laissons pas détourner du sens, de l’objectif qui nous réunit ici pour laisser la place au dogmatisme, aux déclarations et aux affirmations péremptoires.

Nous pouvons être d’accord ou ne pas être d’accord entre nous.

Nous devons pouvoir en débattre, sans pour autant porter immédiatement un jugement sur l’autre.

Plus que pour tout autre Congrès, la réussite de celui-là repose sur notre capacité individuelle et collective à avoir une posture de contribution réelle, constructive, en phase avec les objectifs généraux de notre Congrès, à savoir dégager les pistes d’actions et les projets de développement pour les Ceméa de demain.

Nous devons pouvoir toutes et tous y contribuer

Quelle que soit notre histoire,

Quel que soit notre statut au sein des Ceméa,

Sans préséance liée à l’âge, à l’ancienneté, mais avec une attention partagée pour chacun, chacune, avec une exigence, celle de la qualité, qualité de nos relations, qualité de nos débats, de nos argumentations et de notre travail,

Comme le disait Gisèle de Failly au Congrès de Caen en 1957 :

« Il nous parait essentiel de comprendre que si nous luttons pour la qualité dans tous les domaines de notre travail, ce n’est pas par rigorisme, ou par purisme, ou par étroitesse d’idées ou par manque d’imagination, mais c’est en vertu de ce principe fondamental du respect que nous devons à tout être humain…

En renonçant à la qualité, nous abandonnerions une des valeurs les plus sûres de notre travail. »

Alors, à nous de penser et d’agir l’avenir pour les Ceméa de demain

Le Congrès est lancé!

Vincent Chavaroche

Grenoble le 19 août 2015

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Discours d’ouverture d’André Sirota, Président des Ceméa https://test.cemea.asso.fr/interventions-reperes-et-reflexions/2015/08/discours-douverture-dandre-sirota/ https://test.cemea.asso.fr/interventions-reperes-et-reflexions/2015/08/discours-douverture-dandre-sirota/#comments Wed, 19 Aug 2015 21:51:18 +0000 http://congres2015.cemea.asso.fr/?p=2308 Pour ouvrir ce congrès 2015, au nom du mouvement d’Éducation active qui se réfère aux démarches inspirées par ce que ... Lire la suite ›

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Pour ouvrir ce congrès 2015, au nom du mouvement d’Éducation active qui se réfère aux démarches inspirées par ce que nous appelons l’Éducation nouvelle, je veux d’abord remercier toutes celles et ceux qui sont venus y contribuer.

Nous sommes autour de 800 participants, dont 80 militantes et militants des associations ultramarines des Ceméa, je salue leur présence en si grand nombre, d’autant que nous savons les efforts d’organisation personnelle et collective que nos amis ont dû réaliser pour rendre possible leurs déplacements depuis les lointains. Nous comptons avec nous 40 à 50 membres des associations partenaires d’autres pays du monde. Nous sommes heureux de la présence de toutes et tous, d’autant que ce Congrès est placé sous les auspices d’un appel à Penser et à Agir pour l’avenir que nous avons à préparer.

Et, tout d’abord qu’est-ce que penser ? Qu’est-ce qu’agir ? Nous aurons à mettre au travail ces questions.

Penser ne consiste pas à se référer à la pensée des autres, sinon à se réfugier derrière elle, même si s’inscrire dans des filiations est un passage obligé. N’oublions pas d’où nous venons, que nous sommes nés après d’autres qui ont vécu avant nous.

Dire ici que nous voulons penser veut dire que nous avons l’ambition d’échapper aux entraves à la pensée de notre époque ainsi que de celles dont on a hérité de nos ascendants, tout en reconnaissant, ce qu’on leur doit.

Penser veut dire établir de nouveaux liens entre des bribes de représentations du monde et les élaborer pour aboutir à une nouvelle représentation plus étendue, prenant en compte plus d’éléments de réalité afin de déboucher sur une compréhension nouvelle du monde et qui, en principe, augmente nos possibilités d’intervenir utilement sur celui-ci. Nous ne pouvons nous contenter de constater ce qui est, encore faut-il s’équiper culturellement pour voir ce qui est. C’est une première étape. N’y restons pas sidérés et dans l’impuissance.

Penser, c’est d’abord se construire des représentations toujours plus complexes du monde.

Encore faut-il disposer des espaces spécifiques pour déclencher de nouveaux mouvements dans nos pensées, ce qui veut dire accéder à une capacité de remettre en questionnement les raisons pour lesquelles nous pensons ce que nous pensons, qui consistent, bien souvent, à notre insu, à ne savoir voir que midi à sa porte, et à ne percevoir qu’une porte, d’entrée ou de sortie, ou qu’un passage d’un espace à un autre.

Être formateur, éducateur, intervenant dans un espace ou un autre du champ social avec une volonté et une ambition que, dans nos milieux, nous appelons, émancipatrices, nécessite de penser quelles sont les formes sociales d’organisation de rapports de transmission entre les générations qui permettent à chacune des personnes que nous accueillons dans nos espaces de formation, d’éducation ou d’intervention sociale, qui rendent possible l’accès à la parole de nos interlocuteurs, à une parole qui se libère de ses peurs, de ses œillères, des carcans dans lesquels on a grandi et qu’on ne ressent pas comme carcan mais comme étayage nécessaire.

Ce congrès est voué à développer entre nous des espaces d’échanges, avec différentes portes d’entrée, différentes médiations qui vont nous mettre en déséquilibre, mais pas trop, afin que nous puissions reconnaître en nous, en tant que personne individuelle, et en nous, en tant que collectif, quelles sont nos propres limitations c’est-à-dire aveuglements.

Et l’Agir dans tout ça ? La pensée, précède-t-elle l’action ou l’action précède-t-elle la pensée ?

Pour différentes raisons, que je ne développerai pas ici, de ma position d’observateur des ensembles sociaux, j’ai constaté que nombre d’actions, ou d’agirs que l’on observe dans la vie courante des institutions, sont plus souvent des passages à l’acte, que des actions bien réfléchies.

Si c’est inévitable, étant donné la rudesse de certaines situations, il nous revient d’y penser après-coup pour comprendre les processus dont nous n’avons pas su nous extraire.

Penser et Agir l’Avenir ? Quelle ambition !

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Or, nous le savons, l’histoire de ce qui n’est pas encore advenu, celle de l’à-venir ne peut se penser et ne s’écrire qu’après-coup. Mais cela ne dispense pas de la nécessité d’y penser quand même, tout en n’ignorant pas que le réel nous échappe et que nos dispositifs de formation ne provoquent jamais tout à fait ce que l’on croit.

Penser et agir sont des activités qui doivent donc nous occuper de façon alternative.

À cette fin, il nous faut prendre régulièrement le temps d’une analyse après-coup des actions que nous réalisons, que nous avons mises en œuvre pour découvrir ce que nous avons vraiment effectué, autant qu’on puisse le savoir.

Je voudrais rappeler maintenant qu’on ne pense pas indépendamment des autres et sans être traversé par divers mouvements émotionnels. La vie intellectuelle et la vie affective ne sont pas séparées dans notre vie psychique. On peut/ne peut se mettre à penser que si l’on est en contact avec soi-même, avec les mouvements émotionnels qui nous envahissent peu ou prou et qui nous donnent des renseignements sur nous et notre rapport aux situations. On peut/ne peut se mettre à penser que si l’on est en contact avec soi-même, c’est-à-dire aussi avec ce qui se love dans les replis de notre appareil psychique qui est notre appareil à penser. On ne peut se mettre à penser que dans des environnements propices, dont les méthodes de travail sont pensées en fonction de la distribution des places qui sont attribuées à chacun, qui nous disposent, nous positionnent, les uns par rapports aux autres.

C’est pourquoi, parfois, on peut être à la recherche d’une démarche dans laquelle toute personne, que nous accueillons puisse, d’emblée, se sentir bien. Ici ou là, on appelle ça une bonne pratique. L’idée d’une bonne pratique est une chimère. Ce qui provoque un sentiment de sécurité suffisant chez les uns, provoque de l’insécurité chez d’autres du fait de ce que l’on peut ressentir en présence des autres.

Cette démarche qui serait bonne pour tous n’existe pas. C’est pourquoi, pour permettre à chacun d’entrer dans un espace de formation, il faut instaurer des temps pour dire ce que l’on ressent et pour écouter ce que les autres ressentent dans une situation. Dire et écouter permet de dépasser bien des épreuves d’insécurité en présence des autres et de s’autoriser à être ce que nous sommes.

Nous avons chacun une façon de colorier le monde, de le comprendre, de le théoriser. Être invité à expliciter ce que l’on ressent et à écouter ce que les autres ressentent, émotionnellement, dans leur corps et dans leurs affects, est le premier pas vers la pensée, du moins vers une pensée qui, par paliers successifs, conduit à l’intégration de la multiplicité et de la complexité. C’est lorsque nous acceptons une sorte de va-et-vient entre l’émotionnel, l’agir, l’explicitation de nos théories implicites ou déjà un peu explicitées, que nous nous mettons en mouvement de pensée, et accédons à une extension des nos capacités de penser et de nos pensées. Bien sûr, penser passe par des échanges avec les autres.

Penser n’est pas une activité cérébrale, contrairement à ce que l’on dit parfois, agir non plus. En réalité, bien des mouvements de la pensée ou de nos actions sont essentiellement guidés par des motifs latents que nous ignorons, dont la pensée, au sens d’un effort de distanciation et d’objectivation.

Cet appel à penser, à agir et donc à reconnaître ce qui sous-tend nos pensées et nos actions, et qui souvent nous échappe, contient aussi un appel à apprendre à parler, et à dire ce que nous avons à dire dans le lieu où l’on est, ici et maintenant, en se libérant de nos autres lieux d’existences, et d’engagement et de fermeture.

Les actes d’éducation et de formation passent par des activités engagées en commun, ils passent aussi par des actes de paroles, nous ne savons pas toujours être et parler dans l’ici et maintenant aux personnes réelles avec lesquelles nous nous trouvons.

C’est ainsi que nous serons plus consistants, plus solides et en même temps moins rigides et plus malléables et que nous serons capables de concevoir des dispositifs de travail où les autres puissent éprouver qu’ils sont attendus et en condition de pouvoir être et dire qui ils sont.

Si je me réfère au séminaire international ou au regroupement outremer qui viennent d’avoir lieu juste avant ce Congrès, j’ai compris que nous en sommes capables, et je nous souhaite un bel engagement pendant les journées de ce Congrès qui vont nous donner l’occasion d’élargir nos espaces de pensées.

Seul, le territoire de la pensée peut prendre de l’extension en chacune et chacun d’entre nous. Cette extension de nos espaces individuels et collectifs de travail de pensées est d’autant plus importante à créer, que nous déployons nos actions sur des territoires géographiques qui, eux, n’augmentent pas, n’ont jamais augmenté, sauf pour les uns aux dépens des autres.

C’est animé d’une grande disponibilité intérieure et un grand et fort enthousiasme, qu’en tant que personne et en tant que président, je suis venu participer avec vous, à vos côtés à cette belle manifestation des Ceméa.

Je veux exprimer nos remerciements en pensant aux personnalités des collectivités territoriales, élus et représentants des administrations qui nous ont fait l’amitié de leur présence.

Je veux remercier aussi, la CASDEN, la MAIF et Référence DSI pour le soutien financier que ces organismes ont apporté à l’organisation de notre congrès.

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Maintenant, je vais passer la parole à

Laurent PARIS, président de l’AT Rhône-Alpes des CEMÉA ; d’autres que moi diront combien nous sommes reconnaissants aux militants de l’association des CEMÉA Rhône-Alpes ont donné et donnent tous ces jours pour que nous nous sentions bien ici.

Puis à Madame Elisa MARTIN, 1ère adjointe représentant Monsieur le Maire de Grenoble.

Puis, à Monsieur Philippe REYNAUD, Conseiller Régional, représentant Monsieur le Président du Conseil Régional Rhône-Alpes

Puis, Monsieur Christophe FERRARI, Président d’Alpes-Métropole.

Enfin à Monsieur Alain PARODI (5mn) Directeur régional de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) qui introduira la vidéo de Monsieur Patrick KANNER, Ministre de la Jeunesse et des Sports s’adressant aux congressistes

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Éducation, urgence « collectif », Philippe Meirieu https://test.cemea.asso.fr/la-video-du-jour/2015/05/education-urgence-collectif/ https://test.cemea.asso.fr/la-video-du-jour/2015/05/education-urgence-collectif/#comments Tue, 19 May 2015 14:45:20 +0000 http://congres2015.cemea.asso.fr/?p=205 Philippe Meirieu est professeur en sciences de l’éducation. C’est un compagnon de route des mouvements pédagogiques. Après avoir présenté les ... Lire la suite ›

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Philippe Meirieu est professeur en sciences de l’éducation. C’est un compagnon de route des mouvements pédagogiques. Après avoir présenté les éléments saillants du contexte actuel, il met en avant la construction du bien commun face à la montée des individualismes. Il alerte les associations d’éducation populaire sur leur glissement vers une logique de service et de guichet qui les éloignerait de la construction du collectif.
L’urgence selon lui est « de retrouver les vertus du collectif hétérogène dans ce qu’il a d’essentiel pour former une société démocratique et construire du lien social ».

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Santé mentale, la folie sous contrôle, Roger Ferreri https://test.cemea.asso.fr/la-video-du-jour/2015/05/sante-mentale-la-folie-sous-controle-roger-ferreri/ https://test.cemea.asso.fr/la-video-du-jour/2015/05/sante-mentale-la-folie-sous-controle-roger-ferreri/#comments Tue, 19 May 2015 14:34:00 +0000 http://congres2015.cemea.asso.fr/?p=203 Roger Ferreri, psychiatre est un compagnon de route des Ceméa et du Collectif des 39. Il s’est inscrit dans la ... Lire la suite ›

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Roger Ferreri, psychiatre est un compagnon de route des Ceméa et du Collectif des 39. Il s’est inscrit dans la trajectoire de la psychothérapie institutionnelle liée à la construction du secteur. Il revient ici sur le contexte passé et présent de la Santé mentale.
A l’heure où nous sommes pris dans une logique « d’occupation de nos libertés de conscience », il appelle les Ceméa à participer à la création des « Forces de santé libre, à résister ».

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Laïcité et République, Pierre Tournemire https://test.cemea.asso.fr/la-video-du-jour/2015/05/laicite-et-republique-pierre-tournemire/ https://test.cemea.asso.fr/la-video-du-jour/2015/05/laicite-et-republique-pierre-tournemire/#comments Tue, 19 May 2015 14:32:28 +0000 http://congres2015.cemea.asso.fr/?p=201 Pierre Tournemire est Vice-président de la Ligue de l’Enseignement. Il a piloté avec les Ceméa et les Francas, la conception ... Lire la suite ›

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Pierre Tournemire est Vice-président de la Ligue de l’Enseignement. Il a piloté avec les Ceméa et les Francas, la conception du site « la laïcité à l’usage des éducateurs ». Porteur de cette question fondamentale depuis de longues années au sein de la Ligue et au-delà, il souligne les enjeux de la laïcité qui a à gérer aujourd’hui, la diversité.
Il appelle les mouvements laïques à être plus présents dans les quartiers. « Les chemins de l’émancipation et de la liberté doivent être conduits ensemble ».

 

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